22 janvier 2025
Le départ de la Net-Zero Banking Alliance n’exempte pas les banques canadiennes de la responsabilité climatique
Quand nous avons lancé notre guide sur la gouvernance climatique efficace pour les banques canadiennes, William Knight, ancien Président de la Vancity Community Investment Bank, a énoncé « En tant qu’administrateurs de banques, nous devrions jouer un rôle de premier plan dans la mobilisation des capitaux pour une économie à zéro émission nette. Ce guide offre des informations opportunes sur le droit et les meilleures pratiques qui peuvent soutenir nos décisions ».
Les banques jouent un rôle important dans la transition énergétique par le biais de leurs décisions d’allocation de capital. Elles servent d’intermédiaires à de nombreux Canadiens et Canadiennes en proposant des comptes chèques et d’épargne, des produits d’investissement, des prêts et des services aux petites et moyennes entreprises ainsi qu’aux grandes sociétés. Étant au cœur de notre système financier, elles peuvent jouer un rôle proactif dans la transition vers une économie carboneutre. Les banques peuvent orienter leurs investissements vers des solutions vertes, limiter leurs investissements dans des activités qui produisent de grandes quantités d’émissions de gaz à effet de serre, comme l’extraction de pétrole et de gaz, et soutenir leurs clients dans la transition vers des formes d’énergie plus propres.
Plus tôt cette semaine, cinq des plus grandes banques canadiennes, la BMO, la Banque Nationale, le Groupe Banque TD, la CIBC et la Banque Scotia, ont quitté la Net-Zero Banking Alliance, une initiative regroupant « des banques mondiales de premier plan qui se sont engagées à aligner leurs activités de prêt, d’investissement et de marchés financiers sur zéro émission nette de gaz à effet de serre de zéro d’ici 2050 ». Ces cinq banques détiennent plus de 80 % des actifs du pays.
Cette annonce fait suite au départ d’autres grandes banques américaines, dont JP Morgan, BlackRock et Citi Bank.
Cet exode, bien que décevant et préoccupant, est considéré par beaucoup comme une réponse au contexte politique actuel en Amérique du Nord. Les mouvements populistes se sont multipliés et les sentiments anti-climat, anti-environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et anti-diversité, équité et inclusion (DEI) se sont intensifiés, à mesure que la polarisation s’accentuait.
Qu’est-ce que cela signifie pour les conseils d’administration ?
Les politiques actuelles et le retrait de la Net-Zero Banking Alliance signifient-ils que les administrateurs canadiens des banques et autres institutions financières ne devraient pas superviser la gestion des risques et des opportunités liés au climat ? N’ont-ils plus de comptes à rendre ?
La réponse courte est non.
Les risques liés aux changements climatiques n’ont pas disparu. Les risques environnementaux dominent le paysage des risques à long terme, selon le Global Risks Report 2024 du Forum économique mondial. Selon un récent rapport publié par l’Institute and Faculty of Actuaries, « la dégradation des actifs naturels tels que les forêts et les sols, ou l’acidification et la pollution des océans, agissent comme un multiplicateur de risque sur les impacts des changements climatiques et vice-versa ». Le rapport souligne également que nos techniques traditionnelles actuelles de gestion des risques, qui se concentrent généralement sur des risques isolés, risquent de ne pas tenir compte des effets de réseau et des interconnexions, et de sous-estimer les risques en cascade et composés. L’Institut souligne que nous risquons l’« insolvabilité planétaire » si nous ne changeons pas le cours des changements climatiques et de la perte de la nature. Donc oui, les changements climatiques représentent toujours un risque systémique pour notre économie et notre système financier.
Sur le plan juridique, les administrateurs de banques ont toujours un devoir de diligence et de prudence en vertu de la Loi sur les banques. Ils doivent agir dans le meilleur intérêt de l’entreprise, en se basant sur la norme objective de ce qu’une personne raisonnablement prudente ferait dans des circonstances comparables. Étant donné que les risques liés au climat sont largement reconnus par les communautés scientifiques et financières et qu’ils sont matériels pour la plupart des secteurs, y compris le secteur financier, les administrateurs des banques « ont le devoir d’être proactifs, d’évaluer de manière critique et de traiter les risques financiers importants et les opportunités associés aux changements climatiques ».
Le départ de la Net-Zero Banking Alliance n’exempte pas les banques canadiennes de leurs responsabilités
Les plus hautes autorités décisionnelles d’une entreprise, le conseil d’administration et la haute direction, doivent aligner leur prise de décision sur les réalités scientifiques et financières afin de conduire une bonne gestion des risques. Ils doivent intégrer les considérations relatives aux changements climatiques dans la structure et les processus de gouvernance, le développement de la stratégie et la gestion des risques. Les conseils d’administration doivent s’assurer que leurs équipes dirigeantes leur fournissent les informations les plus récentes et les plus pertinentes sur les risques et les opportunités liés au climat, afin de leur permettre d’approuver le plan stratégique global de la banque et de superviser efficacement la gestion des risques à court, moyen et long terme. À défaut, les directeurs de banque sont vulnérables aux responsabilités liées au climat.
Les considérations relatives aux changements climatiques doivent être intégrées dans les pratiques de gouvernance des entreprises. Alors que la politisation du climat a contribué à l’exclusion des grandes institutions financières des coalitions pour la durabilité, n’oublions pas que la gouvernance climatique n’est rien d’autre qu’une bonne gouvernance d’entreprise, qui essentielle pour atténuer les risques financiers liés aux changements climatiques. Comme le souligne Dre Janis Sarra, auteure du guide Investir dans un avenir neutre en carbone: Une gouvernance climatique efficace pour les banques canadiennes, la gouvernance est la « pierre angulaire de la gestion efficace des risques et opportunités climatiques ».
La gouvernance climatique n’est pas facultative. C’est une nécessité pour assurer la stabilité financière à long terme et garantir un avenir résilient à tous les Canadiens et Canadiennes.