3 juin 2025
Les réglementations relatives au développement durable et au climat ayant un impact sur les entreprises technologiques canadiennes
Les entreprises technologiques canadiennes évoluent dans un contexte réglementaire en pleine mutation, où elles tentent de lutter contre les changements climatiques, de promouvoir le développement durable et d’assumer leur responsabilité sociale. Les conséquences de la hausse des taxes sur le carbone, qui présentent des risques opérationnels, et les opportunités liées aux incitations à adopter des énergies renouvelables non émettrices, dans le but d’encourager les investissements dans les technologies propres, font partie des domaines concernés. De plus, la responsabilité accrue des chaînes d’approvisionnement met l’accent sur la nécessité de transparence et de respect des normes mondiales en matière de travail et d’environnement. Ces réglementations nationales et internationales ont une incidence sur les activités des entreprises technologiques, car elles les obligent à aligner leurs stratégies commerciales sur des objectifs de développement durable, tout en restant compétitives sur le marché mondial. Certaines de ces réglementations sont examinées ci-dessous.
Divulgation et normes
En décembre 2024, le Conseil canadien des normes d’information sur la durabilité (CCNID) a finalisé et publié deux normes canadiennes d’information sur la durabilité (NCID) basées sur les normes IFRS S1 et S2. Ces normes, NCID 1 Obligations générales en matière d’informations financières liées à la durabilité et NCID 2 Informations à fournir en lien avec les changements climatiques, sont désormais en vigueur, mais restent facultatives jusqu’à ce qu’elles soient rendues obligatoires par les autorités de réglementation provinciales et territoriales.
Le gouvernement prend également des mesures pour exiger la divulgation d’informations financières liées au climat par les grandes entreprises privées constituées en vertu d’une loi fédérale afin d’attirer davantage de capitaux privés vers les plus importantes sociétés canadiennes et de garantir que les entreprises canadiennes puissent rester compétitives alors que le monde se dirige vers la neutralité carbone . Ces divulgations permettront de s’assurer que l’allocation des capitaux est en phase avec les réalités d’une économie à zéro émission nette, en permettant aux investisseurs de mieux comprendre comment les grandes entreprises évaluent et gèrent les risques liés aux changements climatique
Le gouvernement fédéral prévoit explicitement de proposer des modifications à la Loi canadienne sur les sociétés par actions afin de rendre ces divulgations obligatoires. Le gouvernement lancera un processus réglementaire afin de déterminer l’envergure de ces obligations de divulgation, ainsi que la taille des entreprises privées fédérales qui seraient concernées. Par ailleurs, le gouvernement examine des mesures visant à encourager les petites et moyennes entreprises à fournir volontairement des informations sur le climat si elles le souhaitent, car elles ne seront pas soumises à la réglementation.
Ces changements auront une incidence sur les entreprises technologiques canadiennes qui répondent aux critères de taille et de constitution en société établis par le règlement. Par conséquent, les entreprises technologiques de toute taille devraient se préparer aux changements annoncés en ce qui a trait aux exigences de divulgation d’informations liées au climat. Se préparer en temps opportun permettra aux entreprises d’évaluer leurs capacités actuelles de divulgation, de repérer les lacunes potentielles et d’élaborer des stratégies pour se conformer aux normes de divulgation à venir.
Incitations fiscales et programmes en faveur des énergies propres
Le gouvernement fédéral canadien a mis en place des incitations fiscales pour les entreprises qui investissent dans des initiatives en matière d’énergie propre, dans le but d’atteindre zéro émission nette d’ici 2050 et de faciliter une reprise « verte » après la pandémie de COVID-19 .
En 2024, le gouvernement canadien a introduit quatre crédits d’impôt à l’investissement (CII) dans l’économie propre : le CII pour les technologies propres, le CII pour le captage, l’utilisation et le stockage du carbone (CUSC), le CII pour la fabrication de technologies propres (FTP) et le CII pour l’hydrogène propre. Avec la sanction royale du projet de loi C-59, la Loi d’exécution de l’énoncé économique de l’automne, les entreprises admissibles peuvent demander et réclamer les CII pour les technologies propres et le CUSC. De même, le projet de loi C-69, Loi d’exécution du budget de 2024, n° 1, permet aux entreprises admissibles de demander des crédits d’impôt pour la fabrication de technologies propres et les projets liés à l’hydrogène propre.
Le CII pour les technologies propres encourage l’investissement dans la mise en œuvre et l’utilisation d’actifs liés aux technologies propres au Canada, notamment les équipements éoliens, hydroélectriques et solaires, les systèmes géothermiques, les pompes à chaleur à air et les véhicules non routiers à zéro émission. Les crédits pour technologies propres sont disponibles pour les biens admissibles acquis entre le 28 mars 2023 et avant 2035. Les taux de crédit varient en fonction de l’année d’acquisition, allant de 30 % (pour les investissements réalisés entre le 28 mars 2023 et 2033) à 15 % (pour les investissements réalisés en 2034) du coût en capital du bien . Ce crédit d’impôt s’applique uniquement aux biens liés aux technologies propres des sociétés canadiennes imposables, qui doivent être établies et exploitées exclusivement au Canada. Cette approche, conforme à la stratégie « Fabriqué au Canada », reflète la tendance mondiale qui privilégie la production et la main-d’œuvre nationales, à l’instar de la Loi américaine sur la réduction de l’inflation (Inflation Reduction Act). Ainsi, ce CII fonctionnerait comme une incitation remboursable qui compenserait une partie des dépenses d’investissement en capital d’une société, ce qui représente une opportunité dont les entreprises technologiques canadiennes peuvent tirer parti.
Le CII CUSC soutiendra les sociétés canadiennes imposables qui engagent des dépenses admissibles pour des projets de captage, utilisation et stockage du carbone qualifiés. Le CII CUSC est accessible pour un large éventail d’applications et de projets de captage, utilisation et stockage du carbone dans différents secteurs industriels.
Le CII FTP soutiendra les entreprises canadiennes dans la fabrication ou le traitement de technologies propres et de leurs précurseurs. Il couvrira 30 % du coût des investissements dans de nouvelles machines et de nouveaux équipements utilisés dans la fabrication ou le traitement de technologies propres essentielles et pour l’extraction, la transformation et le recyclage de minéraux critiques essentiels.

Initiative Accélérateur net zéro
Le gouvernement canadien a lancé cette initiative afin de soutenir les projets visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre au Canada. L’un des piliers de cette initiative, le « développement d’un écosystème de technologies propres et de batteries », consiste à soutenir les technologies de rupture qui réduisent considérablement les émissions de GES, à donner la priorité aux investissements dans les technologies propres émergentes ayant un potentiel commercial et à soutenir la création d’un écosystème et d’une chaîne d’approvisionnement nationaux pour les batteries au Canada . Cette initiative crée des opportunités pour les entreprises technologiques travaillant dans le domaine de l’énergie propre, de la conception de batteries et d’autres technologies de réduction des émissions.
Tarification du carbone et Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre
Promulguée en juin 2018, la Loi sur la tarification de la pollution causée par les gaz à effet de serre (LTPGES) du Canada vise à lutter contre les changements climatiques grâce à deux mécanismes de tarification : une taxe fédérale sur les carburants et un « système de tarification fondé sur le rendement », offrant une incitation financière aux industries pour qu’elles réduisent leurs émissions et encouragent l’innovation afin de lutter contre « les fuites de carbone ».
Le gouvernement du Canada a retiré la taxe fédérale sur les carburants, communément appelée taxe carbone à la consommation, à compter du 1er avril 2025 par le biais d’un règlement fédéral. La taxe ne s’applique plus aux carburants tels que l’essence, le gaz naturel et le diesel consommés par les ménages et les petites entreprises dans les provinces et les territoires dans le cadre du système fédéral d’appui . Le sytème de tarifiatin fondé sur le rendement reste toutefois en vigueur dans les juridictions de soutien et continue de s’appliquer aux installations industrielles, la tarification du carbone devant encore augmenter progressivement pour atteindre 170 dollars par tonne d’émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030.
Alors que le système de tarification fondé sur le rendement continue d’affecter les grands consommateurs, les entreprises technologiques qui exploitent de grands centres de données risquent de voir leurs coûts d’exploitation augmenter en raison de leur forte consommation d’énergie. Il serait donc souhaitable qu’elles investissent dans les énergies renouvelables non émettrices pour réduire leurs émissions et alléger leur charge fiscale. Bien que le Québec gère son propre système de plafonnement et d’échange plutôt que le système de tarification fondé sur le rendement, cet investissement s’inscrit dans le cadre d’incitations plus larges à l’adoption de technologies à faible teneur en carbone. Par exemple, Google a annoncé son intention de construire un nouveau centre de données au Québec, qui sera entièrement alimenté par des énergies propres. L’entreprise envisage également la possibilité de mettre en place de nouveaux projets d’énergie propre au Québec . En investissant dans les énergies renouvelables, Google réduit ses émissions et pourrait alléger sa charge fiscale dans le cadre du système canadien de tarification du carbone. En outre, Google et Amazon ont également commencé à investir dans la recherche sur de petits réacteurs nucléaires comme alternative à l’électricité sans carbone afin de répondre à la demande croissante des centres de données et de l’IA .
La société de commerce électronique Shopify a investi massivement dans des projets tels que la capture directe du dioxyde de carbone dans l’air et l’épandage de roches concassées sur les terres agricoles afin d’accélérer l’absorption par le sol. L’entreprise a également créé le Shopify Sustainability Fund, qui soutient les entrepreneurs dans le développement de technologies visant à lutter contre les changements climatiques . Grâce à ces efforts, Shopify compense ses émissions et joue un rôle crucial dans le développement et la mise à l’échelle des technologies d’élimination du carbone afin d’amplifier l’atténuation des changements climatiques. En outre, la société s’est associée à Alphabet, Meta, Stripe et McKinsey Sustainability pour accélérer le développement de technologies d’élimination permanente du carbone .
Les initiatives prises par ces sociétés servent de modèle à d’autres entreprises technologiques qui cherchent à atténuer l’impact de la tarification du carbone sur leurs coûts opérationnels tout en contribuant aux objectifs climatiques du Canada tels que son objectif de réduction des émissions d’ici 2030.
Loi sur la concurrence
En 2024, la Loi sur la concurrence a été modifiée pour lutter contre l’écoblanchiment . Les amendements visent à lutter contre les pratiques commerciales trompeuses et à garantir que les allégations liées à l’environnement sont véridiques, non trompeuses, justifiées et fondées sur des une épreuve appropriée. Ils permettent aux parties privées de contester devant le Bureau de la concurrence les allégations environnementales ou climatiques contenues dans la publicité si elles ne sont pas dûment justifiées. Cette évolution met en évidence l’attention croissante portée aux allégations relatives au développement durable et renforce la nécessité pour les entreprises de veiller à ce que leurs informations relatives au climat soient exactes et étayées par des preuves. Pour les entreprises technologiques, cela ajoute une pression réglementaire pour aligner les déclarations environnementales publiques sur des données vérifiables.
Fonds de croissance du Canada (FCC)
Le FCC joue un rôle crucial dans la facilitation des investissements du secteur privé dans les technologies propres, en offrant aux entreprises technologiques des possibilités intéressantes pour réduire leurs coûts d’exploitation et passer à des sources d’énergie renouvelable non émettrice. Il s’agit d’un instrument de placement indépendant de 15 milliards de dollars, conçu pour attirer des capitaux privés afin de bâtir une économie propre au Canada .
Les entreprises technologiques peuvent bénéficier de l’appui du FCC de plusieurs façons :
- Accès aux capitaux : Les investissements du FCC contribuent à combler les déficits de financement, en particulier pour les entreprises en phase de croissance dans le domaine des technologies propres qui éprouvent des difficultés à lever des capitaux.
- Réduction des coûts : Le FCC aide les entreprises à réduire leurs dépenses d’exploitation liées à la consommation d’énergie et aux émissions en encourageant l’adoption de technologies propres.
- Adoption des technologies : Les entreprises technologiques peuvent plus facilement adopter et intégrer des solutions d’énergie propre dans leurs activités grâce à l’accent mis par le FCC sur le développement à grande échelle de technologies essentielles.
- Soutien à l’innovation : Le fonds insiste sur le fait que la propriété intellectuelle demeure au Canada, ce qui encourage les entreprises technologiques à innover et à développer de nouvelles technologies propres.
Les investissements du FCC accélèrent la transition vers des sources d’énergie renouvelable non émettrice en soutenant des projets qui utilisent des technologies moins abouties pour réduire les émissions dans l’ensemble du secteur économique canadien, notamment la capture du carbone, l’hydrogène et les biocarburants; en contribuant au déploiement d’entreprises et de projets dans des chaînes de valeur à faible intensité de carbone ou liées aux technologies climatiques; et en rendant possible la production d’énergie propre et de matériaux essentiels à l’échelle nationale, pour une économie à zéro émission nette . Grâce à des investissements stratégiques et à l’amortissement des risques, le FCC offre un environnement propice aux entreprises technologiques pour qu’elles investissent dans les technologies propres, réduisent leurs coûts d’exploitation et passent à des énergies renouvelables non émettrices, ce qui contribue aux objectifs climatiques du Canada et à la croissance économique dans ce secteur.