27 mai 2024

Aller plus loin : que doivent faire les compagnies minières canadiennes pour passer à la vitesse supérieure en matière de gouvernance climatique efficace?


Ce guide définit les cinq principaux domaines où les grandes compagnies minières ont la possibilité de passer à la vitesse supérieure en matière de gouvernance climatique.

Des objectifs plus précis et un plan clair pour les atteindre

Définir des objectifs et des indicateurs peut s’avérer compliqué; de même, mesurer et rapporter les performances de l’entreprise eu égard à ces objectifs peut sembler fastidieux. Cependant, les efforts des compagnies minières ne sont pas vains. En effet, un rapport de 2022 sur les performances du secteur minier dans le monde démontre clairement les progrès réalisés au niveau de la consommation et l’intensité énergétique, des dépenses environnementales et des réductions d’émissions de GES entre 2011 et 2020. Plus précisément, les émissions de GES ont diminué de 0,9 % par rapport aux niveaux de 2011 et leur intensité a diminué en moyenne de 4 % par an. C’est un résultat positif si l’on considère que les compagnies minières rencontrent plus de difficultés que les autres secteurs pour atteindre zéro émission nette, en partie parce que la plupart des sites miniers génèrent plus d’émissions en fin d’exploitation en raison de la profondeur des excavations et de la détérioration de la teneur en minerai. Les entreprises minières sont donc confrontées à un défi particulier lorsqu’il s’agit de fixer des objectifs de carboneutralité et de démontrer les progrès accomplis à cet égard.

Les entreprises minières doivent faire plus d’efforts pour démontrer leur engagement à l’égard des objectifs qu’elles se sont fixés, en fournissant plus de précisions sur les cibles intermédiaires et les plans d’action exhaustifs qu’elles prévoient de mettre en œuvre pour atteindre leurs buts à long terme. Les objectifs fixés par les entreprises doivent être spécifiques et les plans doivent envisager tous les revers ou compromis plausibles, comme une augmentation de la consommation d’énergie liée à l’utilisation des nouvelles technologies permettant d’économiser l’eau. L’accent doit être mis sur la collecte des données et sur les processus garantissant l’intégrité des objectifs et leur divulgation, car ils seront probablement soumis à des audits à l’avenir.

La plupart des compagnies minières canadiennes devraient déjà mesurer, surveiller et réduire en priorité les émissions des champs d’application 1 et 2. De nombreuses mines installent des sources d’énergie renouvelable sur leurs sites d’exploitation et modernisent leurs équipements pour les remplacer par des solutions utilisant des carburants propres. En 2022, 52 % de l’électricité produite par Anglo American provenait de sources renouvelables. L’investissement dans les sources d’énergie renouvelable s’est accru depuis qu’elles sont devenues moins chères. Rio Tinto et Glencore ont mis en place des installations de production d’énergie éolienne dans certaines de leurs mines canadiennes , et IAMGOLD a construit des parcs solaires sur ses sites d’exploitation au Suriname et au Burkina Faso. En investissant dans leurs propres sources d’énergie renouvelable, ces compagnies se sont assuré des revenus qui perdureront au-delà du cycle de vie de la mine.

Cela ne signifie pas pour autant que la transition est facile, car négocier l’emplacement et la surface suffisante pour construire ces installations d’énergie renouvelable peut être ardu. Par ailleurs, les compagnies minières qui ne se dotent pas de leurs propres sources d’énergie renouvelable peuvent avoir des difficultés à accéder aux ressources énergétiques à l’échelle nécessaire pour leurs opérations. Les équipements sobres en carbone comportent également des obstacles pour les compagnies minières. Les véhicules électriques sont coûteux, peu fiables et difficiles à entretenir dans les régions reculées, même si l’utilisation de véhicules à batterie a été couronnée de succès. Newmont a remplacé les camions diesel souterrains utilisés dans son projet Borden Gold par des engins électriques alimentés par batterie et fournit à d’autres exploitations minières ce même type d’équipements.

Ces initiatives constituent un excellent début, mais elles ne suffisent pas à éliminer les émissions des champs d’application 1 et 2. D’importantes émissions subsistent, générées par les systèmes de ventilation, de chauffage et de refroidissement des mines, par les générateurs de secours, ainsi que par le traitement et le transport des métaux et minéraux. Des mesures prises en amont, ciblant ces sources d’émissions connexes dans les opérations minières, peuvent être avantageuses pour les compagnies minières cherchant à attirer de nouveaux investissements de capitaux. Des mesures ont déjà été prises dans ce sens : Rio Tinto et le groupe BHP ont annoncé leur intention d’acheter des locomotives électriques pour transporter leur minerai de fer dans l’ouest de l’Australie ; Fortescue Metals est en train de mettre au point l’« Infinity Train », qui utilisera la gravité afin de produire l’électricité requise pour son fonctionnement, éliminant ainsi la nécessité de recharger ses batteries ; l’exploitant de mines de cuivre Oz Minerals teste actuellement un camion diesel électrifié pouvant transporter le même poids qu’un train routier triple. Lundin Gold a mis en place un système de ventilation à la demande qui n’aère la mine que dans les endroits où cela est nécessaire, ce qui réduit la consommation d’énergie et, par conséquent, les émissions du champ d’application 2.

Les émissions du champ d’application 3 représentent les plus grands défis et les plus grandes opportunités pour le secteur minier canadien. D’une part, les émissions du champ d’application 3 constituent la majeure partie des émissions minières (jusqu’à 95 % pour l’exploitation de certaines matières premières). D’autre part, les compagnies minières qui prennent l’initiative de surveiller, de gérer et de réduire les émissions du champ d’application 3 ont beaucoup à gagner. En effet, cela leur permet non seulement d’améliorer leur image de marque auprès des investisseurs et du public, mais aussi de bénéficier d’un avantage concurrentiel. Au sein du Conseil international des mines et métaux (ICMM), les membres qui se sont fixé des objectifs en matière d’émissions du champ d’application 3 sont très rares, bien que, collectivement, ils se soient engagés à atteindre zéro émission nette d’ici 2050 pour les émissions des champs d’application 1 et 2.

Les compagnies minières étudient sérieusement les possibilités de réduire les émissions du champ d’application 3, notamment grâce à l’économie circulaire et à des chaînes d’approvisionnement plus durables. Toutefois, en raison du manque de données probantes et du caractère imprévisible de l’évolution et de l’accessibilité des technologies sobres en carbone, lutter contre ces émissions peut s’avérer complexe. La réduction des émissions du champ d’application 3 exigera des changements opérationnels substantiels dans le secteur minier, impliquant une collaboration accrue avec les clients, les fournisseurs et les agences gouvernementales afin d’avoir une vue d’ensemble des données tout au long de la chaîne de valeur et de parer aux accusations d’écoblanchiment. Pour les compagnies minières, collaborer signifie l’accès à des données plus précises et plus complètes, l’occasion d’encourager un état d’esprit plus favorable à la carboneutralité tout au long de la chaîne de valeur, et la divulgation d’informations plus exhaustives et cohérentes à l’intention des investisseurs.

La majorité des compagnies minières se sont engagées à atteindre zéro émission nette d’ici à 2050, mais les recherches menées par EY révèlent que nombre d’entre elles n’ont pas réalisé les investissements nécessaires pour atteindre cet objectif. Les initiatives d’adaptation peuvent permettre aux compagnies minières d’atteindre leurs objectifs de carboneutralité et de définir plus clairement les domaines dans lesquels des investissements plus importants sont nécessaires.

Les compagnies minières ne doivent pas se fixer des objectifs irréalisables, car cela risque d’entamer la confiance des investisseurs. De nombreuses compagnies minières ont admis qu’elles avaient dû réévaluer leurs stratégies de décarbonation en raison des problèmes rencontrés pour atteindre leurs cibles intermédiaires. Les entreprises doivent définir clairement leurs plans d’action pour atteindre leurs objectifs. Ces plans d’action doivent être intégrés à la stratégie de l’entreprise et faire l’objet d’une supervision zélée de la part du conseil d’administration. Pour l’entreprise, partager ses plans d’action stratégiques pour atteindre ses cibles intermédiaires et son but ultime lui permet de gagner la confiance des investisseurs et de démontrer que ses objectifs et indicateurs de décarbonation sont le fruit d’une réflexion mûrie et calculée.

Pour le secteur minier, la capture et le stockage du carbone sont des outils essentiels pour parvenir à zéro émission nette d’ici 2050. Les installations de stockage des résidus, généralement creusées dans des roches ultramafiques, comme le nickel, le diamant et les éléments du groupe du platine (ÉGP), représentent une opportunité pour cette technologie, car elles peuvent contenir de grandes quantités de carbone. Cependant, recourir à la capture et au stockage du carbone peut être discutable, car cela contribue à prolonger l’utilisation des combustibles fossiles et à créer l’opacité quant aux volumes réels séquestrés, certains y voyant une tentative d’écoblanchiment. Il est donc conseillé aux compagnies minières d’utiliser cette technologie de façon occasionnelle et d’être prêtes à fournir des informations détaillées sur son utilisation. Il en va de même pour les crédits carbone (aussi appelés crédits compensatoires. Les crédits carbone peuvent offrir aux sociétés minières une certaine souplesse pour gérer leurs émissions et atteindre zéro émission nette, mais en être excessivement tributaire risque de susciter des accusations d’écoblanchiment. Si les compagnies minières décident d’utiliser des crédits carbone, ceux-ci doivent s’inscrire dans le cadre d’un plan de décarbonation plus vaste. Par conséquent, la capture et le stockage du carbone et les crédits carbone ne devraient pas faire partie de la solution principale d’une compagnie minière pour réduire ses émissions de GES et ne devraient être utilisés qu’en dernier recours.

Collecte et analyse des données

La collecte de données exhaustives et le suivi des objectifs et indicateurs climatiques constituent l’un des principaux défis pour les entreprises, dans tous les secteurs économiques. Celles-ci doivent en effet établir une base de référence crédible, qui servira à mesurer tout progrès accompli. Cette base de référence constitue le fondement de toute divulgation fiable et comparable des objectifs et indicateurs, et donne aux investisseurs l’assurance et la garantie que le plan d’action de la compagnie est viable. Les investisseurs attendent des entreprises qu’elles fournissent plus de données quantitatives pour étayer leur performance climatique tout au long du cycle de vie de la mine. Ce type de données peut être difficile à obtenir, notamment en ce qui concerne les émissions du champ d’application 3 en amont et en aval de la chaîne de valeur. Les partenaires, clients et fournisseurs plus modestes, ne disposent pas forcément de ces informations, ce qui peut entraver la capacité d’une compagnie minière à communiquer de manière adéquate. Les limitations financières peuvent également constituer un obstacle pour collecter et obtenir des données fiables. Ces difficultés doivent néanmoins être surmontées si les entreprises minières veulent éviter que leur réputation ne soit entachée par des données incorrectes et insuffisantes, et donc par des divulgations insatisfaisantes.

Pour obtenir des données plus fiables, les compagnies minières peuvent intégrer la comptabilisation du capital naturel dans leurs activités d’exploitation : Étude de cas pilote du site de Beenup. La comptabilisation du capital naturel (CCN) « est un cadre de comptabilité environnementale qui fournit un moyen systématique de mesurer et de rendre compte des actifs du capital naturel (stocks) et des services écosystémiques (flux) ». Bien que cette étude de cas porte sur la réhabilitation d’un site minier désaffecté, elle avance certaines possibilités pour mesurer les impacts environnementaux de l’exploitation minière, pouvant être adaptées à un site en exploitation.

En fin de compte, quelle que soit la voie empruntée par une compagnie minière pour obtenir des données climatiques plus fiables, il est essentiel que le conseil d’administration ait un droit de regard et participe activement au processus. Les administrateurs doivent comprendre comment les données sont collectées, quelles sont les lacunes et, à l’avenir, être prêts à soutenir la mise en œuvre de plans stratégiques pour surmonter ces insuffisances. En outre, lors de la publication de ces données, le conseil d’administration doit s’assurer que les audits nécessaires ont été réalisés et que les lacunes éventuelles sont publiquement communiquées aux investisseurs.

Initiatives d’adaptation

En raison de la diversité des exploitations minières, les initiatives d’adaptation varieront en fonction du métal ou du minéral extrait et produit, et de la géographie des sites. Ces initiatives doivent être définies à la suite d’une évaluation des risques et opportunités climatiques concernant la compagnie minière et ses sites d’exploitation. À l’heure actuelle, s’appuyer sur une modélisation fiable du climat pour prendre des décisions en la matière peut être problématique pour les compagnies minières; néanmoins, les mesures d’adaptation doivent viser, dans la mesure du possible, à réduire les risques climatiques actuels, à tirer parti des opportunités climatiques actuelles et futures, et à diminuer l’impact des risques climatiques physiques et de transition à venir.

Pour ce faire, le conseil d’administration et la direction générale doivent prendre en compte toutes les idées d’adaptation émises par les employés, à tous les niveaux. Cela permettra de garantir que les initiatives d’adaptation s’étendent à tous les domaines de risque au sein de l’entreprise. Voici quelques mesures d’adaptation envisageables pour les compagnies minières :

L’intendance de l’eau et la gestion des résidus, qui ne sont pas incompatibles, méritent une attention particulière. La pénurie d’eau est un enjeu majeur pour le secteur minier à travers le monde, et il est indispensable de trouver des moyens adaptés pour gérer l’utilisation de cette ressource. De même, la gestion responsable des déchets issus de l’activité minière, afin d’éviter les catastrophes environnementales et la contamination de l’eau, est un problème central pour les investisseurs, depuis des années. Pour surmonter ces difficultés, la première étape consiste, pour les conseils d’administration, à se familiariser avec les protocoles de gestion des résidus et d’intendance de l’eau de l’AMC. L’industrie a lancé toute une série d’initiatives d’adaptation pour réduire la consommation d’eau douce tout en gérant les déchets, éliminer les contaminants des parcs à résidus risquant de s’infiltrer dans les sources d’eau douce et optimiser les possibilités de réhabilitation des sites miniers en fin de cycle.

L’une de ces initiatives consiste à passer des bassins à résidus à l’enfouissement ou l’empilage des déchets secs. Cela permettrait de limiter la probabilité de catastrophes liées au débordement des bassins à résidus et de réutiliser l’eau. BHP teste actuellement deux technologies à Olympic Dam, en Australie, afin d’évaluer la possibilité de réutiliser l’eau de décantation des installations de traitement des déchets plutôt que d’utiliser des digues et bassins à résidus pour la stocker. En outre, BHP a recours à l’utilisation d’eau dessalée, produite à partir de sources 100 % renouvelables, sur son site d’Escondida, au Chili, préservant ainsi les précieuses nappes phréatiques. De même, Anglo American teste actuellement la récupération de l’eau des grosses particules dans ses installations de traitement des déchets, ce qui représente une économie de 30 % sur sa consommation. Suncor a adopté le système PASS (Structure d’entreposage aquatique permanente) qui utilise des produits chimiques pour extraire l’eau des résidus, afin qu’elle puisse être rejetée en toute sécurité dans l’environnement. Les eaux traitées seront ensuite utilisées pour créer une nappe aquatique dans le cadre de la réhabilitation du site.

Le projet Mining Microbiome Analytics Platform (M-MAP) est une collaboration réunissant l’Université de la Colombie-Britannique, Teck Resources, Rio Tinto, le Centre d’excellence en innovation minière (CEMI) et d’autres organismes, dans le but d’identifier, grâce au séquençage génomique, les microbes naturels pouvant remplacer les produits chimiques au cours du processus d’extraction et contribuer à la réhabilitation du site minier après sa fermeture. Ces microbes pourraient permettre d’extraire davantage de cuivre des terrils et d’éviter l’infiltration d’une quantité toxique de sélénium, contenu dans les résidus miniers, dans les systèmes d’approvisionnement en eau. Le projet d’assainissement de la mine Giant a pour but d’empêcher le trioxyde de diarsenic de s’écouler dans le Grand lac des Esclaves à partir de blocs de boue toxique gelés. Les 237 000 tonnes de boues contenant de l’arsenic ont en effet été stockées dans des chambres souterraines pour être congelées, mais l’augmentation anticipée de la température pourrait entraîner la liquéfaction de ces blocs toxiques. La mise en œuvre du plan d’entretien perpétuel permettra d’observer, de surveiller et de gérer les mesures adaptatives visant à atténuer la libération de toxines par le site.

Économie circulaire

L’économie circulaire consiste à transformer des processus linéaires en processus circulaires afin de minimiser les déchets, réduire les émissions et optimiser les profits grâce aux sous-produits créés à partir de résidus qui seraient normalement éliminés. Les processus circulaires peuvent prendre la forme de recyclage des résidus miniers (comme les boues et les stériles) — c’est-à-dire la collecte et la récupération des métaux et minéraux par différents procédés — de récupération et réutilisation des déchets de fabrication, et de récupération des métaux et minéraux contenus dans les produits en fin de cycle (EOL). L’économie circulaire exige de la part des compagnies minières qu’elles examinent les possibilités en interne, et sur l’ensemble de leur chaîne de valeur. Si elle analyse sa chaîne de valeur, une entreprise minière peut maîtriser toutes les étapes d’exploitation des métaux et minéraux, durant toute son existence. Cela peut avoir des retombées à la fois économiques et réputationnelles, car si elle peut démontrer que sa chaîne de valeur contribue à l’économie circulaire, cette entreprise aura un avantage en tant que précurseure. Glencore bénéficie déjà de cet avantage. Cette compagnie traite et recycle les batteries et les déchets électroniques depuis 30 ans et s’intéresse maintenant au recyclage de matériaux plus complexes. Anglo American s’est engagée dans la bonne voie en testant de nouveaux produits chimiques facilitant l’extraction des minéraux des déchets miniers, tout en assainissant davantage les installations de gestion des résidus.

En étudiant comment recycler, remettre à neuf, réparer, réutiliser et réaffecter les infrastructures et déchets existants, les compagnies minières ont la possibilité d’exploiter les avantages connexes, en termes de réputation et de profits. BlackRock, en collaboration avec la Fondation Ellen MacArthur, cherche à canaliser les investissements vers des entreprises fortement impliquées dans l’économie circulaire. En renonçant à lancer des initiatives dans le domaine de l’économie circulaire, les entreprises risquent de laisser passer des perspectives de croissance grâce à des investissements plus substantiels et aux profits supplémentaires liés à la valorisation des déchets. Par exemple, les résidus miniers recyclés peuvent être utilisés comme additifs pour remblais dans la réhabilitation des sites ou la construction des routes, ou utilisés par d’autres entreprises pour traiter d’autres matériau. Toutefois, c’est aux compagnies minières qu’il reviendrait de vérifier que leurs déchets ne contiennent plus de matériaux non traités; en effet, la quantité d’or restant dans les résidus des mines canadiennes est estimée à 10 milliards de dollars. Récupérer les métaux et minéraux restants dans les résidus peut donc servir à accroître la quantité extraite, tout en réduisant les déchets.

Les métaux et minéraux ne sont pas complètement épuisés après le traitement du minerai; celui-ci peut être recyclé plusieurs fois. Par conséquent, le traitement secondaire du minerai recyclé représente une source alternative de métaux et minéraux, ce qui garantit une plus grande disponibilité des minéraux et métaux critiques, tout en réduisant la nécessité de s’approvisionner en matériaux vierges. Cependant, même en supposant que les taux de recyclage des minerais en fin de cycle atteignent 100 %, l’exploration et l’exploitation de nouvelles sources de métaux et minéraux continueraient à exiger d’importants investissements pour répondre à la demande. La figure 4 représente la demande de métaux et minéraux de première et seconde fusion d’ici 2050, dans l’hypothèse où les taux de recyclage seraient portés à 100 %; il s’avère que le recyclage n’aura pas d’effet substantiel sur la demande de matériaux de première fusion.

Les possibilités varient selon les différents métaux et minéraux et la géographie peut fortement influencer la capacité et le coût du recyclage. Les flux de déchets traditionnels, qui contiennent des métaux et minéraux dont l’usage est généralisé, disposent de processus de recyclage efficaces. La figure 5 indique que les taux de recyclage des métaux communs et des métaux précieux en fin de cycle sont raisonnablement élevés. Cela s’explique par l’utilisation massive, dans le passé et à l’heure actuelle, des métaux communs — qui fait qu’ils sont plus faciles à collecter — et par le prix élevé des métaux précieux. Ce n’est toutefois pas le cas du lithium et des éléments de terres rares (ETR), nécessaires aux technologies énergétiques propres. Cette situation devrait changer avec l’afflux de batteries usagées des véhicules électriques (VE), prévu après 2030. Les batteries usagées des VE vendus en 2017 représenteront en tout 250 000 tonnes. En recyclant les métaux et minéraux qu’elles contiennent, les batteries pourraient constituer une source secondaire de nickel, de lithium, de cobalt et de cuivre pouvant satisfaire 10 % de la demande sur ce nouveau marché.

Il convient de souligner que le taux de recyclage des éléments peut être influencé par plusieurs facteurs. L’un d’eux est le délai de récupération possible en raison de la vocation à long terme des infrastructures dans lesquelles ils sont utilisés. Un autre facteur a trait aux procédés de recyclage existants à l’heure actuelle. En effet, certaines méthodes de recyclage peuvent épuiser le matériau restant dans le métal, réduisant ainsi à néant le temps et l’argent nécessaires à l’extraction de certains éléments. C’est la difficulté actuellement rencontrée pour extraire le lithium des batteries lithium-ion. Certains éléments sont recyclables, mais cela n’est pas économiquement viable en raison de la complexité du procédé requis. Par exemple, pour recycler un alliage cuivre-fer neuf, il faut séparer 50 matériaux différents.

Néanmoins, les technologies évoluent constamment et ces difficultés seront surmontées avec le temps. L’amélioration du recyclage des métaux et minéraux critiques se fera de plusieurs manières. L’analyse des réserves mondiales de ces éléments est en cours, et permettra de mieux comprendre l’état des stocks de minéraux de seconde fusion et la demande. Les administrateurs de compagnies minières devraient se tenir constamment informés de toute évolution pouvant permettre à leur entreprise de s’intégrer à l’économie circulaire de demain.

Prise en considération accrue des impacts sur les communautés locales

Les compagnies minières doivent aller au-delà des exigences réglementaires dans leurs efforts pour établir des relations avec les communautés locales. Elles doivent démontrer, dans leurs faits et gestes, leur engagement en faveur de la sensibilisation culturelle et de la « vérité et réconciliation ». Les compagnies minières doivent tirer les leçons du passé, et faire preuve d’un véritable respect envers le lien existant entre la terre et les personnes qui y vivent. De plus, il est tout aussi important que la consultation des populations autochtones et des communautés locales se fasse en toute sincérité, et que toutes leurs inquiétudes soient dûment entendues et prises en considération.

Pour évaluer leur impact sur les communautés, les compagnies minières doivent adopter une approche à deux volets. Le premier concerne l’effet que leurs activités en cours ont sur les communautés locales; le second porte sur la planification de la fermeture de la mine à l’avenir, et l’assurance, pour les communautés d’intérêts, de retirer un avantage net de l’exploitation minière.

Activités d’exploitation courantes

Le principe du « consentement libre, préalable et éclairé » (CLPI), tel que reconnu par la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA), devrait guider les compagnies minières dans leur approche des communautés d’intérêts. La Colombie-Britannique, qui abrite plus de 800 grandes et petites entreprises minières, est la première province canadienne à avoir intégré la DNUDPA dans le droit, avec la Loi sur la déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Les sites miniers font souvent partie du patrimoine des peuples autochtones locaux, qui entretiennent un lien profond avec la terre et en dépendent pour leur bien-être physique, économique et spirituel. En conséquence, le CLPI instaure un droit universel à l’autodétermination pour les peuples autochtones, exigeant que tout projet envisagé à proximité, ou sur leurs terres obtienne leur consentement explicite, et leur donne le pouvoir de négocier la conception, l’exploitation, l’observation et les caractéristiques d’évaluation de ces projets.

Il faut renforcer la consultation et la collaboration avec les communautés d’intérêts, depuis l’ouverture de la mine jusqu’à sa fermeture. Cela peut en effet s’avérer profitable, pour les communautés d’intérêts et pour la mine. La connaissance et la compréhension que les populations autochtones ont de la terre, fondées sur leur savoir traditionnel, peuvent se révéler précieuses pour la compagnie minière et l’aider dans la conception, l’exploitation et la fermeture responsable de la mine. Les peuples autochtones peuvent fournir des informations utiles sur la manière de préserver l’habitat naturel environnant et de régénérer le site minier à l’avenir. South 32 a travaillé avec des chercheurs de l’Université de Wollongong, en Australie, et le conseil local des terres aborigènes de l’Illawarra pour restaurer les terres du mont Kembla en se basant sur les connaissances traditionnelles des Aborigènes.

Les compagnies minières ont la possibilité d’aider les communautés d’intérêts à résoudre les problèmes liés au climat auxquels elles feront face à l’avenir, que ce soit par le biais de sources d’énergie renouvelable ou d’une meilleure intendance de l’eau pour améliorer l’approvisionnement en eau douce dans les environs. Les compagnies minières peuvent inviter ces communautés d’intérêts à s’inscrire dans le parcours de résilience et d’adaptation au climat de la mine, en partageant avec elles des données climatiques pour mieux se préparer aux évènements météorologiques, à l’échelle locale, et planifier des mesures d’urgence. Dans l’idéal, la compagnie minière devrait collaborer avec les communautés d’intérêts pour assurer leur survie mutuelle à long terme, en surmontant ensemble les risques climatiques. Pour y parvenir, les entreprises doivent être prêtes à s’investir davantage auprès des communautés d’intérêts. Cela peut permettre d’éviter les situations où les initiatives d’adaptation d’une compagnie minière ont un impact négatif et imprévu sur les communautés. Par exemple, l’adaptation des installations portuaires d’une mine pour mieux gérer l’élévation du niveau de la mer et l’érosion côtière doit impliquer la communauté locale afin de veiller à ce que cela n’aggrave pas les inondations locales, ne nuise pas à la faune marine et n’entrave pas l’accès des habitants au littoral.

La meilleure façon pour les compagnies minières d’approfondir la consultation et la collaboration est de créer un cadre d’évaluation des impacts, fondé sur l’intérêt des parties prenantes et couvrant l’ensemble de la chaîne de valeur. Ce cadre d’évaluation des impacts peut aider les entreprises à définir, comprendre et rendre compte de leurs relations avec les Autochtones et de la valeur qu’elles apportent aux communautés d’intérêts. Il s’agit notamment de prendre en considération l’impact des opérations minières sur la qualité de l’air et de l’eau, le bruit et les vibrations, ainsi que la santé à long terme des communautés d’intérêts.

Fermetures de mines

Les compagnies minières doivent réfléchir à la fermeture de la mine dès le début du projet et veiller à ce que les décisions soient prises en gardant à l’esprit les conséquences sur les solutions envisagées pour mettre fin à l’exploitation. À l’heure actuelle, il y a plus de 7 500 mines désaffectées au Canada, et cette estimation n’inclut pas les données de la Colombie-Britannique, du Québec et du Yukon. Un peu moins de la moitié d’entre elles sont considérées comme des mines de classe A, B ou C, ce qui représente un risque de dommages importants pour l’environnement, ainsi que pour la santé et la sécurité du public. Dans le cadre de cette réflexion, les compagnies minières doivent prendre en considération les changements climatiques et s’engager envers les communautés d’intérêts pour garantir que celles-ci héritent d’un patrimoine utile, une fois la mine fermée. En raison de la complexité de la fermeture de mines, la réhabilitation de l’environnement et la réaffectation des terrains représentent un défi supplémentaire; il existe cependant une ressource pour tenter de surmonter ces difficultés. Le programme Leadership in Sustainable Mine Closure (Encadrement pour la fermeture responsable des mines) élaboré par l’Université de Colombie-Britannique en collaboration avec Rio Tinto, l’Université Curtin et EY, définit de solides critères, décrivant ce à quoi devrait ressembler une fermeture de mine efficace et indiquant la manière d’y parvenir, ainsi que les variables qui devraient informer le processus de prise de décision concernant la fermeture, tout au long de la chaîne de valeur.

Pour que la fermeture d’une mine se fasse dans de bonnes conditions, il faut que les terrains réhabilités puissent être utilisés avec un moindre risque de pollution. Le ministère australien de l’Environnement et de la Protection du patrimoine exige que le niveau de risque soit circonscrit pendant 30 ans après la fermeture de la mine. Or, la capacité d’une compagnie minière à garantir l’assainissement des terres pendant aussi longtemps est limitée, en raison des changements climatiques. Ceux-ci introduisent une incertitude quant aux évènements météorologiques extrêmes et aux fluctuations du climat, qui risque d’entraîner l’échec de la réhabilitation.