4 mars 2025

Semer la réussite dans un contexte d’incertitude climatique et politique au Canada


Des conditions météorologiques changeantes aux marchés fluctuants, les agriculteurs ont beaucoup de choses à prendre en compte, tout en travaillant sans relâche pour que les Canadiens aient toujours de la nourriture sur leur table. La gestion efficace des affaires de leur ferme est cruciale pour leur réussite, mais le paysage géopolitique de l’agenda politique en constante évolution ajoute une nouvelle couche de complexité.

Les changements de politiques, tant au Canada qu’à l’étranger, peuvent avoir des répercussions considérables sur le secteur agricole. Par exemple, les nouveaux droits de douane imposés aujourd’hui par les États-Unis montrent à quel point une seule décision politique prise par un partenaire commercial majeur peut perturber les entreprises et les consommateurs canadiens. Même des changements de politique plus subtils, qui ne font pas la une des journaux internationaux, peuvent avoir un impact profond sur les fermes en influençant l’accès au financement, les réglementations environnementales, les débouchés commerciaux, le soutien aux pratiques durables et, en fin de compte, leur rentabilité et leur capacité à s’adapter à l’évolution de la dynamique du marché et aux défis climatiques.

L’Initiative canadienne de droit climatique s’est engagée à aider les entreprises à comprendre les risques et les opportunités que le changement climatique apporte aux résultats des entreprises. Les changements de politiques, en particulier, restent un élément essentiel à prendre en compte.

La professeure Margot Hurlbert de la Johnson Shoyama Graduate School of Public Policy (University of Regina) a étudié les risques que les changements de politiques peuvent représenter pour les entreprises agricoles canadiennes. Nous publions ci-dessous un extrait de son travail intitulé Cultiver une gouvernance climatique efficace : Un guide pour les petites entreprises agricoles au Canada.

Risques de transition

Dans de nombreuses organisations, la transition exigée par les changements climatiques est perçue comme un processus distinct de la prise de décisions courantes, et comme s’inscrivant essentiellement dans un avenir lointain. Cependant, les meilleures pratiques et la responsabilité juridique contestent de plus en plus cette tendance à « pelleter par avant », ou à ne pas anticiper ces risques de transition et à reporter les mesures nécessaires.

Les risques de transition sont liés au passage à une économie à zéro émission nette. Ils concernent les domaines politiques, juridiques, technologiques, commerciaux, de responsabilité et de réputation. Il est important de prendre ces risques en considération afin d’éviter d’avoir à délaisser des infrastructures, telles que les immobilisations dont le cycle de vie utile ne correspond pas à la durée totale de l’hypothèque ou de l’amortissement; les propriétaires de ces infrastructures voient leur cote de crédit se dégrader, ce qui entraîne des remboursements de prêts plus élevés et de problèmes de solvabilité, ou une perte d’investissement liée à la disparition d’un actif à la suite d’un phénomène climatique tel qu’une inondation, alors que le prêt hypothécaire ou le crédit associé à son achat perdure. Bon nombre des conséquences potentielles de l’évolution du climat et de la transition vers une économie à zéro émission nette se produisent et se produiront au cours de la vie d’un agriculteur exploitant une entreprise agricole.

Risques politiques

L’un des principaux risques liés à la transition concerne l’évolution future des politiques climatiques et connexes. Comme indiqué dans l’introduction, le Canada participe depuis un certain temps aux discussions et engagements internationaux en matière de changements climatiques. Ce n’est qu’au cours des dernières années que des modifications substantielles ont été apportées à la législation et à la politique climatique. D’une manière générale, la législation et la politique climatique portent sur l’« atténuation », c’est-à-dire réduire les émissions de GES, ou sur l’« adaptation », c’est-à-dire prendre l’initiative de se préparer aux impacts climatiques à venir en limitant les dégâts et en tirant parti des opportunités.

Les administrateurs des entreprises agricoles ont la responsabilité de s’informer, de comprendre, de planifier et de superviser la mise en œuvre de pratiques et de stratégies agricoles répondant à l’évolution de la législation et de la politique climatique. Il existe déjà une série de politiques générales ayant des implications indirectes sur l’agriculture à l’heure actuelle, ainsi qu’une série de politiques visant directement la production agricole. La politique en matière de changements climatiques est importante; sans elle, les émissions du Canada seraient 7 % plus élevées qu’à l’heure actuelle, et 41 % plus élevées d’ici 2030.

L’une des mesures politiques les plus marquantes a été la tarification du carbone et la législation introduite par le gouvernement fédéral, qui impose des normes minimales. La tarification du carbone consiste à reconnaître que la pollution a un coût et à lui mettre un prix. Cette politique repose sur le principe théorique selon lequel, lorsque des produits tels que l’essence ou le gaz naturel, qui génèrent des GES, deviennent plus chers, les consommateurs en achètent moins, en font un usage plus efficace ou optent pour des solutions de substitution, ce qui permet de diminuer l’émission de GES dans l’atmosphère. De manière croissante, les entreprises doivent divulguer comment elles internalisent le prix du carbone et les administrateurs doivent envisager l’impact potentiel de cette tarification sur l’entreprise agricole, les fournisseurs et les distributeurs, car c’est un risque fondamental qu’ils auront à gérer à l’avenir.

Les principaux objectifs visés par la stratégie agricole du Canada à l’horizon 2030 incorporent des pratiques de gestion bénéfique et des solutions climatiques naturelles, telles que le pâturage en rotation, les couverts végétaux, l’agriculture régénérative, la gestion des nutriments, la gestion du fumier et l’agroforesterie. Ces mesures bénéficient du soutien financier du Programme de paysages agricoles résilients et du Fonds d’action à la ferme pour le climat du programme Solutions agricoles pour le climat. Le Canada s’est engagé à établir une cible nationale de réduction des émissions d’engrais de 30 % par rapport aux niveaux de 2020 d’ici à 2030. Sheldrick recommande que les produits chimiques industriels et agricoles, la plus grande source d’émissions d’ammoniac, et les matières premières utilisées en amont pour les produits de consommation (par ex. l’éthylène) soient les premiers visés. En tant que membres de la First Movers Coalition, le Canada devrait en profiter pour étudier cette possibilité avec des pays partageant la même vision. Le secteur est dominé par un nombre relativement restreint d’entreprises; Nutrien, créée en 2008 à partir de la fusion d’Agrium et de PotashCorp, est responsable de 2,7 Mt d’émissions, générées par ses cinq plus grandes usines. Les consultations sont toujours en cours, mais le secteur des engrais et des produits chimiques a commencé à se préparer à faire face aux risques climatiques.