29 juillet 2025

Un avis juridique sans appel : en cas d’inaction face aux risques climatiques et naturels, les administrateurs de sociétés canadiennes s’exposent à des poursuites judiciaires


29 juillet 2025 – Selon un avis juridique décisif, publié aujourd’hui, les administrateurs de sociétés canadiennes qui ne tiendraient pas compte des risques naturels et climatiques, tels que la perte de biodiversité, la pénurie d’eau douce ou la dégradation des écosystèmes, pourraient s’exposer à des poursuites judiciaires.

Commandé par la Commonwealth Climate and Law Initiative (CCLI) et rédigé par le cabinet d’avocats canadien Resilient LLP, cet avis confirme qu’en vertu du droit canadien, les risques naturels relèvent clairement des obligations légales des administrateurs.

En effet, selon la Loi sur les sociétés par actions du Canada (LSAC) et les lois provinciales comparables, les administrateurs ont le devoir d’agir avec précaution, diligence et loyauté dans l’intérêt de l’entreprise. Cela inclut l’obligation d’identifier et de gérer les risques majeurs prévisibles.

Selon cet avis juridique, la prise en compte des risques naturels n’est plus facultative, car ceux-ci sont considérés par les tribunaux comme étant prévisibles et ayant des conséquences financières importantes.
Les administrateurs sont donc tenus d’évaluer et de faire face à ces risques comme il se doit. Les conseils d’administration qui ne tiendraient pas compte des risques naturels pourraient être accusés de négligence, poursuivis en justice par les actionnaires, soumis à des enquêtes pour écoblanchiment et exposés à d’autres risques engageant leur responsabilité civile.

Le rapport peut être consulté dans son intégralité en anglais ici. Le français sera disponible en août 2025.

Quelle est la définition des risques naturels?

Les risques naturels sont les effets négatifs qui surviennent à la suite de la dégradation, la perte ou la perturbation des écosystèmes, notamment les terres, les océans, l’eau douce, l’atmosphère et l’ensemble des organismes vivants qui les composent. Ceux-ci incluent 

Quels sont les risques naturels risquant d’affecter les entreprises?

L’économie canadienne repose fondamentalement sur la nature. Au Canada, les services fournis par les écosystèmes sont estimés à 4 900 [LA1] milliards de CAD par an, et incluent la pollinisation, la purification de l’eau, la régulation des crues et la séquestration du carbone. Cela représente plus du double du PNB du Canada en 2018.
 
Les écosystèmes du Canada sont soumis à une forte pression :

Les pertes liées à la détérioration de la nature et du climat ont d’ores et déjà des conséquences financières mesurables pour les entreprises canadiennes.  Selon le Bureau d’assurance du Canada, rien qu’en 2024, les pertes assurées contre les phénomènes météorologiques extrêmes et catastrophes naturelles ont atteint 8,5 milliards de CAD. Il s’agit du montant le plus élevé jamais atteint au Canada, soit près du triple des pertes totales enregistrées en 2023.

En quoi ces risques sont-ils pertinents d’un point de vue légal?

L’avis juridique conclut que les administrateurs ont les obligations légales suivantes :

Quels sont les secteurs les plus menacés?

L’avis juridique souligne que les risques naturels revêtent une importance particulière pour les secteurs à haut risque ou fortement dépendants de la nature. Par exemple :

Quelles pourraient être les conséquences pour les administrateurs de sociétés canadiennes?

Les administrateurs qui ne tiennent pas suffisamment compte des risques naturels et ne prennent pas les mesures qui s’imposent pourraient s’exposer à diverses conséquences légales et financières. Celles-ci incluent :

Les tribunaux ou les autorités de réglementation pourraient examiner de plus près les décisions des administrateurs si leur inaction ou leur négligence entraîne un préjudice et s’ils ne sont pas protégés par la « règle de l’appréciation commerciale ».

Que peuvent faire les administrateurs pour remplir leurs obligations légales?

L’avis juridique recommande aux administrateurs de prendre des mesures pour évaluer et gérer les risques naturels. Ces mesures peuvent inclure :

Points de vue des auteurs et des experts

Lisa DeMarco, sociétaire principale et DG de Resilient LLP et autrice principale de l’avis juridique.
« Cet avis clarifie la situation juridique. Les administrateurs n’ont pas besoin d’être des experts scientifiques ou des militants, mais ils sont tenus de prendre en considération les risques naturels au même titre que tout autre risque prévisible pour leur société. Sur le plan juridique, ignorer les risques naturels n’est plus défendable dans le cadre d’une bonne gouvernance d’entreprise. »

Natalie Shippen, directrice générale de la Commonwealth Climate and Law Initiative
« La perte des écosystèmes concerne toutes les entreprises; ce n’est plus une question marginale et elle doit dorénavant occuper une place centrale dans la réflexion des conseils d’administration. Cet avis juridique offre aux administrateurs une base légale solide pour intégrer la nature dans leur prise de décision, indépendamment des obstacles politiques ou des pressions exercées par le marché à court terme. »

Dre Janis Sarra, professeure émérite de droit à l’Université de la Colombie-Britannique, et co-investigatrice principale de l’Initiative canadienne de droit climatique.
« Cet avis sera utile aux administrateurs canadiens pour adapter leur planification commerciale et stratégique, leur surveillance et leur gestion des risques financiers liés à la perte de biodiversité. Il confirme que le droit canadien exige des administrateurs qu’ils traitent les menaces importantes liées à la nature comme ils traiteraient tout autre risque commercial majeur. »   

Kelly LaRocca, cheffe de la Première Nation des Mississaugas de l’île de Scugog :
« En tant que cheffe de la Première Nation des Mississaugas de l’île Scugog, j’appuie fermement l’avis juridique de Resilient LLP, qui insiste sur l’importance cruciale de prendre en considération les risques liés à la nature dans la gouvernance d’entreprise. Nos droits autochtones, profondément enracinés dans nos relations avec la terre et ses écosystèmes, sont protégés par la Constitution et doivent être respectés. Cet avis souligne à juste titre que les administrateurs des sociétés canadiennes doivent tenir compte des répercussions de leurs activités sur la nature, y compris sur nos territoires traditionnels. En intégrant les connaissances écologiques autochtones et en accordant la priorité à des consultations constructives, les entreprises peuvent atténuer les risques, faire respecter nos droits et contribuer à des pratiques durables qui honorent la terre pour les générations futures. »

Kathy Bardswick, membre et ancienne présidente du Conseil d’action en matière de finance durable :
« Les risques naturels deviennent de plus en plus graves et fréquents et doivent être pris très au sérieux. Cet avis juridique fournit aux conseils d’administration des conseils opportuns et faisant autorité afin d’élaborer des réponses appropriées face aux défis complexes et changeants liés à la nature, dans le cadre de leur surveillance globale des risques. »

Patricia Fletcher, IAS.A, DG, Association pour l’investissement responsable :
« Les administrateurs d’entreprises canadiennes font face à contexte juridique en plein changement, dans lequel ne pas tenir compte des risques liés à la nature et au climat, comme la perte de biodiversité, les dommages causés aux terres autochtones et les phénomènes météorologiques extrêmes, pourrait exposer leur société à des poursuites judiciaires de la part des actionnaires et mettre en cause leur responsabilité. Cet avis juridique souligne que, face à l’évolution des attentes des investisseurs, la responsabilité des administrateurs d’évaluer ces risques et d’agir pour préserver la valeur et la résilience à long terme de leur entreprise ne cesse de croître. »

Tony Goldner, DG, Groupe de travail sur les divulgations financières relatives à la nature (TNFD) :
« Le fait que les administrateurs ont le devoir d’identifier et de gérer les questions liées à la nature est de plus en plus largement accepté; aujourd’hui, la publication de cet avis juridique décisif au Canada souligne combien leur responsabilité est fortement engagée. Notre récent guide « Asking Better Questions on Nature » (réalisé en collaboration avec CCLI, Chapter Zero, Competent Boards et le Green Finance Institute) indique aux administrateurs les 12 questions clés à poser à leur équipe de direction pour remplir leurs responsabilités et rendre compte des risques et opportunités liés à la nature dans leurs décisions en matière de gouvernance, de stratégie, de gestion des risques et d’allocation des capitaux. »


Personne-ressource : ccli-info@allard.ubc.ca

À propos de la Commonwealth Climate and Law Initiative: La Commonwealth Climate and Law Initiative est une initiative mondiale visant à fournir des informations juridiques et à mobiliser les parties prenantes afin d’examiner les fondements légaux sur lesquels les administrateurs de sociétés et les  investisseurs peuvent s’appuyer pour faire face aux risques liés aux changements climatiques et à la nature. Nous adoptons une approche multidisciplinaire pour mener des recherches juridiques et élaborer des outils pratiques afin d’aider les conseils d’administration à respecter leurs obligations en matière de gouvernance et à atténuer les risques engageant leur responsabilité. Pour de plus amples informations, consultez www.commonwealthclimatelaw.org.

À propos de l’Initiative canadienne de droit climatique :  L’Initiative canadienne de droit climatique fournit aux entreprises et organismes de réglementation des conseils en matière de gouvernance climatique afin de leur permettre de prendre des décisions éclairées en vue d’une économie nette zéro. Alimentés par l’expertise la plus pointue du pays, nous engageons le dialogue avec des conseils d’administration et de fiduciaires pour nous assurer qu’ils comprennent bien leurs obligations légales en matière de changements climatiques. Nos recherches juridiques nous permettent de garder une longueur d’avance, dans un paysage réglementaire qui évolue rapidement. Pour de plus amples informations, consultez https://ccli.ubc.ca/.

À propos de Resilient LLP : Resilient LLP est un cabinet d’avocats canadien de premier plan, spécialisé dans le droit du climat et de l’énergie, notamment dans les domaines des changements climatiques, des énergies propres et du droit autochtone. Au cours des 25 dernières années, le cabinet a pris une envergure mondiale, grâce à une expertise couvrant les marchés du carbone, la stratégie zéro émission nette, la réglementation énergétique, les projets et les transactions, les droits des peuples autochtones et la finance durable. Resilient LLP a été reconnu par Environmental Finance comme le meilleur cabinet d’avocats en Amérique du Nord pour les marchés des GES, et comme l’un des meilleurs cabinets mondiaux dans le classement des marchés volontaires du carbone.

Lisa De Marco est sociétaire principale et DG de Resilient LLP. Elle a été admise au barreau au Canada et en Angleterre et reconnue à maintes occasions comme une experte mondiale en droit du climat et de l’énergie, forte de trente ans d’expérience dans ce domaine. Elle assiste des institutions financières, des entreprises énergétiques, des innovateurs, des gouvernements, des ONG et des organisations commerciales autochtones dans le cadre de projets nationaux et internationaux liés aux énergies renouvelables et à la transition énergétique, aux opérations financières durables liées au climat, à l’élimination du dioxyde de carbone, au captage, à l’utilisation et à la séquestration du carbone, à la divulgation d’informations financières liées au climat, aux risques climatiques affectant les entreprises, aux enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), aux obligations vertes, aux objectifs et stratégies visant zéro émission nette, à l’Accord de Paris, au marché du carbone (national, international, volontaire et de conformité), à la conformité et aux litiges liés au climat, ainsi qu’aux stratégies commerciales durables. Elle représente également plusieurs gouvernements et grandes entreprises du secteur de l’énergie dans le cadre de divers litiges internationaux et de procédures réglementaires en matière d’énergie. Mme de Marco est membre du conseil d’administration de Toronto Hydro Corporation, de l’International Emissions Trading Association (IETA) et de MaRS Discovery District, ainsi que membre du Climate Economy Strategic Council et du groupe consultatif d’experts de la Voluntary Carbon Market Integrity Initiative (VCMI). Elle participe régulièrement aux négociations des Nations Unies sur le climat.