17 novembre 2021
Est-ce que la COP26 était un succès? Réflexions sur les résultats de la COP26 avec Juvarya Veltkamp
Plusieurs ont dit que la COP26 était notre dernière chance pour faire face à l’urgence climatique. La fenêtre pour atteindre notre objectif de zéro émission nette se ferme rapidement et nous avons besoin d’actions ambitieuses pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 40-45% d’ici 2030. Un des objectifs clés de la COP26 était de mobiliser la finance, un outil essentiel pour atteindre nos objectifs climatiques. Mobiliser le capital privé et public est crucial pour le développement d’infrastructures résilientes au climat, pour le financement de technologies innovatrices et pour le passage aux investissements climatiques. Comme la Conférence des Parties des Nations Unies l’a dit « chaque entreprise, chaque société financière, chaque banque, assureur et investisseur doit changer. »
Notre directrice, Juvarya Veltkamp, était à Glasgow il y a deux semaines en tant qu’observatrice de la délégation de UBC pour suivre les résultats critiques liés à la finance durable et la gouvernance climatique. Durant son temps à Glasgow, elle a partagé ce qui s’est passé durant les négociations, avec une attention particulière aux efforts du Canada, à travers ses billets. Une semaine après son retour, elle a partagé quelques idées avec nous afin que les entreprises canadiennes comprennent mieux comment la COP26 affectera leurs entreprises et opérations.
Q: Tout d’abord, bon retour au Canada Juvarya. Plusieurs choses se sont passées durant la première semaine de la COP26. Vous avez assisté à plusieurs événements et discours principaux ainsi qu’à des événements parallèles sur le droit climatique, les villes et la finance climatique. Quel a été le plus grand résultat de la COP26 selon vous? Quelle est la principale conclusion que vous avez tiré des négociations?
J: Le Pacte climatique de Glasgow, comme on l’appelle aujourd’hui, a échoué dans son objectif de limiter la surchauffe mondiale de la planète à 1,5°C. Toutefois, la présidence britannique de la COP avait visé à « maintenir 1,5 en vie », et l’a peut-être réussi – les parties se réuniront à nouveau dans un an dans le but d’accroître les ambitions et d’atténuer la catastrophe climatique.
Nous ne pouvons sous-estimer l’importance des enjeux actuels – nous savons que les décisions que nous prendrons dans les 12 prochains mois détermineront quel type de planète et quel type de climat nous aurons. Nous avons dépassé le point de retour.
La présence d’entreprises et d’investisseurs et les signaux forts qu’ils ont envoyé en faveur d’une action climatique plus forte ont été un résultat positif. Bien que j’aie écrit sur le fait de prendre le GFANZ de Mark Carney avec un grain de sel (ainsi que ses 130 000 milliards de dollars associés au « service de » la transition nette zéro), les voix et les engagements du secteur privé et des investisseurs institutionnels ont montré que si les dirigeants mondiaux prenaient de l’initiative, il y aurait du soutien politique.
Au final, cependant, les pourparlers n’ont pas atteint leurs objectifs parce que les parties n’ont pas réussi à limiter la prolifération des combustibles fossiles pour deux raisons principales : l’incapacité des dirigeants à s’engager à une vision des énergies renouvelables et propres chez eux, et donc à la COP, et l’incapacité des pays développés à financer de manière appropriée la transition et l’adaptation des pays en développement.
Je reviens avec un sentiment d’appréhension pour les pays en développement qui paient déjà de manière disproportionnée la facture des impacts des changements climatiques, un sentiment de frustration envers les dirigeants mondiaux qui ont échoué à nous montrer du leadership réel dans ces temps critiques et un sentiment d’urgence du travail que nous devons accomplir, pour ceux d’entre nous qui travaillent avec ce que la COP appelle les « acteurs non étatiques » (villes, régions, entreprises et investisseurs).
Q: Le troisième jour de la COP26 s’est concentré sur la mobilisation de la finance, un des objectifs principaux de la COP26. Tel que vous l’avez mentionné dans un de vos billets, la mobilisation du capital privé est essentiel pour atteindre l’objectif d’émissions mondiales nette zéro et pour assurer que toutes les décisions financières prennent en compte le climat. Nous avons besoin d’énormes capitaux pour assurer que nos bâtiments et infrastructures soient résilientes au climat, pour transitionner vers des énergies renouvelables et pour assurer que les investissements des banques, des assureurs, des investisseurs et des sociétés financières soient alignés avec la carboneutralité. Diriez-vous que la COP26 a été un succès en termes d’alignement de la finance privée avec les objectifs climatiques?
J : Je crois que le GFANZ et la Course à la carboneutralité étaient des efforts herculéens créant un gros momentum pour les ambitions zéro nettes dans le secteur privé, mais il y a encore beaucoup de travail pour assurer que ces efforts ne soient pas seulement de l’écoblanchiment (« greenwashing »).
De mon expérience avec le secteur des bâtiments verts, la communauté de design et de construction a commencé à adopter un objectif de réduction des émissions avec l’avènement de l’objectif Architecture 2030 au début des années 2000. Les principaux acteurs du secteur immobilier et de l’environnement bâti se sont fixés pour objectif que tous les nouveaux bâtiments et rénovations majeures soient « carboneutres » d’ici 2030 – cette aspiration est ce qui a ultimement façonné ce que nous appelons maintenant la « communauté bâtiments verts ».
Les efforts ont été soutenus avec l’avènement des évaluations de bâtiments écologiques dirigées par l’industrie telles que LEED de l’USGBC et par les gouvernements locaux du monde, y compris la ville de Vancouver, qui ont commencé à aligner leurs politiques avec les objectifs de 2030 et même LEED. Éventuellement, la Ville de Vancouver a amené de l’avant l’objectif carboneutre des bâtiments à 2020 et a développé le Code du bâtiment zéro émission. La ville a réussi à réduire ses émissions de 70% des nouveaux bâtiments.
Il y avait plusieurs choses sur lesquelles nous devions travailler en cours de route. Objectifs d’énergie versus objectifs d’émissions. Qu’en est-il des déchets de construction? De l’énergie grise?
Il est clair que l’industrie a muri de manière significative durant les 20 dernières années. Aujourd’hui, les bâtiments verts et les rénovations en profondeur sont présentés comme la tête d’affiche pour faire face à la crise climatique. Cela dit, avec le GFANZ et la Course à la carboneutralité, nous n’avons pas 20 ans pour tout régler comme nous l’avions pour les bâtiments verts. Nous devrons clarifier ce que signifie la carboneutralité et comment créer des voies crédibles pour une finance durable – et tout ça dans l’espace d’un an parce que c’est le temps qu’il nous reste si nous voulons éviter les décisions qui feront en sorte que nous serons pris dans des niveaux de surchauffe dangereux.
Q: Selon vous, quel résultat de la COP26 aura le plus gros impact sur les entreprises canadiennes? Sur quoi les entreprises canadiennes doivent-elles travailler?
J : Une chose était claire à la COP26 : le secteur pétrolier et gazier a perdu sa licence sociale pour opérer. Au Canada, nous devons aller au-delà de la diabolisation du secteur pétrolier et gazier et le considérer comme une partie de notre communauté qui a besoin d’un soutien compatissant et urgent pour la transition. Plutôt que les vieux arguments selon lesquels nous avons besoin du gaz comme « carburant de transition » ou que notre pétrole et notre gaz sont en quelque sorte plus « éthiques » que ceux de l’Arabie Saoudite ou de la Russie, nous avons besoin d’une vision d’un avenir énergétique renouvelable qui montre des opportunités pour tous les Canadiens et Canadiennes. Et une opportunité où nous en bénéficions sans que des milliards de personnes dans d’autres parties du monde fassent face à une catastrophe climatique.
Cela signifie de prendre conscience des choix auxquels nous sommes confrontés et discuter des détails et faits importants des données sur lesquelles nous nous concentrons. Pour toutes les sociétés dans tous les secteurs, nous devons comprendre notre empreinte carbone et nous assurer que nous incluons les émissions de scope 3, qui peuvent représenter jusqu’à 90% des émissions pour plusieurs organisations. Au-delà de ça, chaque entreprise doit évaluer son modèle d’affaires et se poser la question « est-ce que ce que nous faisons est au service du meilleur intérêt des gens et de la planète? Et sinon, comment réévaluer d’urgence notre objectif et réaligner notre stratégie afin que nous puissions être des leaders dans la création d’un climat où nos enfants, où les générations futures, peuvent encore s’épanouir?