13 août 2025
Des juristes et avocats au Canada, en Australie, au Japon, en Nouvellez-Zélande et au Royaume-Uni déclarent que les risques liés à la nature relèvent des obligations des administrateurs
À mesure que les écosystèmes se dégradent et que la biodiversité décline, les risques liés à la nature ne sont plus des questions environnementales abstraites : ils constituent des menaces financières et juridiques tangibles pour les entreprises du monde entier. Les conseils d’administration sont soumis à une pression croissante pour reconnaître leur dépendance à l’égard de la biodiversité et des écosystèmes sains, anticiper la manière dont les phénomènes météorologiques extrêmes ou la perte d’habitats pourraient perturber les chaînes d’approvisionnement et réajuster la stratégie de l’entreprise afin de résister aux chocs.
Partout dans le monde, une série d’avis juridiques établit une ligne claire : ne pas tenir compte des risques liés à la nature peut constituer un manquement aux obligations des administrateurs. Cinq avis juridiques déterminants ont été rendus au Canada, en Australie, en Angleterre et au Pays de Galles, au Japon et en Nouvelle-Zélande au cours des trois dernières années. Chaque avis juridique offre une analyse approfondie de la manière dont les avocats interprètent les obligations des administrateurs et les lois locales, soulignant la nécessité pour les administrateurs d’identifier, de gérer et de divulguer les risques importants liés à la perte de biodiversité, au stress hydrique, à la dégradation des écosystèmes et aux phénomènes météorologiques extrêmes. Ils permettent aux administrateurs de bien comprendre leurs obligations et les risques encourus et aident les entreprises à renforcer leur gouvernance, à améliorer la divulgation d’informations et à faire preuve de diligence raisonnable.
Du Canada à la Nouvelle-Zélande, ces avis juridiques convergent sur un point : les risques liés à la nature sont prévisibles et ont une incidence financière importante. Les conseils d’administration qui ne prennent pas de mesures pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires de la part des actionnaires, d’allégations de greenwashing et de contestations réglementaires.
Canada
Lisa DeMarco et DT Vollmer, du cabinet d’avocats Resilient LLP basé à Toronto, ont publié le mois dernier un avis juridique déclarant sans équivoque que les administrateurs canadiens ont l’obligation légale de traiter les risques liés à la perte de biodiversité, au stress hydrique, à la dégradation des écosystèmes et aux conditions météorologiques extrêmes. Ne pas le faire pourrait les exposer à toute une série de poursuites judiciaires, notamment des poursuites intentées par des actionnaires et des créanciers, ainsi que des plaintes pour écoblanchiment et négligence.
« Trois des plus grandes industries du Canada – l’immobilier et la location ; le secteur manufacturier ; et l’exploitation minière, l’extraction de carrières et l’extraction de pétrole et de gaz – sont toutes reconnues comme des industries dont la chaîne d’approvisionnement dépend fortement de la biodiversité et qui sont exposées à des risques physiques liés à la nature », écrivent-ils dans leur avis juridique. Parmi les autres industries canadiennes clés qui dépendent des services écosystémiques figurent la foresterie, l’agriculture, la pêche et l’aquaculture.
Australie
Rédigé par Sebastian Hartford-Davis et Zoe Bush, l’avis juridique a conclu, en octobre 2023, que les risques liés à la nature pour une entreprise devaient désormais être considérés comme prévisibles, compte tenu de la quantité importante d’informations déjà disponibles sur la dépendance économique à l’égard de la nature et du rythme auquel celle-ci se dégrade en Australie et dans le monde.
Les avocats ont recommandé aux administrateurs d’entreprises australiennes d’identifier les dépendances et les impacts de leur entreprise sur la nature et d’examiner les risques potentiels que ceux-ci représentent pour l’entreprise. Le fait pour un dirigeant de ne pas identifier, gérer et divulguer les risques importants liés à la nature peut entraîner une pression accrue de la part des actionnaires, voire des poursuites judiciaires à l’encontre des administrateurs sur le plan personnel.
Angleterre et Pays de Galles
Selon un avis juridique publié en mars 2024, les membres du conseil d’administration pourraient manquer à leurs obligations envers leur entreprise s’ils ne tiennent pas compte des risques liés à la nature ou n’agissent pas en conséquence. Cet avis a été rédigé par une équipe d’avocats spécialisés en droit des sociétés et en droit financier (les avocats de haut rang Sharif Shivji KC et Rebecca Stubbs KC, dirigés par Karl Anderson et Hossein Sharafi, avec la contribution de l’expert en droit de l’environnement James Burton). Il explique comment les administrateurs pourraient manquer à leurs obligations en vertu de la Company Act de 2006 s’ils ne parviennent pas à identifier et à atténuer les risques financiers latents découlant des impacts et des dépendances liés à la nature qui n’ont pas été pris en compte par l’entreprise.
L’avis identifie un certain nombre d’exemples où les risques liés à la nature peuvent avoir des conséquences financières importantes pour les entreprises, tels que le déclin ou l’effondrement des écosystèmes qui sous-tendent le modèle opérationnel d’une entreprise, ainsi que l’évolution des préférences des consommateurs et des exigences légales.
Japon
Un rapport juridique publié en mars 2025 a souligné que les exigences internationales en matière de divulgation d’informations relatives à la biodiversité sont pertinentes pour les obligations liées au climat des administrateurs au Japon. Il a été rédigé par les professeurs de droit japonais Yoshihiro Yamada et Masafumi Nakahigashi, en collaboration avec Dre Janis Sarra, professeure émérite de droit à l’University of British Columbia. Ils ont confirmé que la gestion des risques liés à la nature est étroitement liée aux risques liés au climat, et que les risques liés à la nature peuvent constituer des risques financiers importants que les administrateurs ont le devoir de surveiller.
Nouvelle-Zélande
Un avis juridique néo-zélandais, publié par Chapman Tripp, confirme que les administrateurs d’entreprise ont le devoir de veiller à ce que leur entreprise identifie les risques prévisibles et importants liés à la nature et en tienne compte dans leurs prises de décision.
Le principal risque pour les administrateurs d’entreprises dépendantes des services liés à la nature, en particulier dans les secteurs primaire, touristique et manufacturier, est de sous-estimer l’impact potentiel des risques liés à la nature (que l’entreprise contribue ou non à ces risques ou qu’elle ait ou non un contrôle sur ceux-ci). Les administrateurs seront de plus en plus tenus de mettre en place des processus permettant d’identifier la dépendance de leur entreprise à l’égard de la nature, d’évaluer l’exposition de leur entreprise aux risques liés à la nature et de gérer les risques financiers liés à la nature, comme ils le feraient pour tout autre risque commercial grave.
