9 novembre 2023

Forum sur la finance durable: Les capitaux sont prêts à affluer vers les communautés et les solutions vertes, mais nous avons besoin de meilleures orientations politiques


Plutôt ce mois-ci, plus de 600 personnes de partout à travers le Canada ont rejoint le Forum sur la finance durable à Ottawa pour faire pression en faveur des politiques nécessaires à la construction d’une économie durable. Des experts de différents secteurs, des représentants de la société civile, des organisations à but non lucratif, des universitaires et des parlementaires se sont réunis pour créer un secteur financier capable de relever les défis du XXIe siècle, notamment la crise climatique et l’accessibilité au logement, à la nourriture et à l’énergie. Ce fut l’occasion d’appeler à une action politique rapide pour que le secteur financier du Canada et les Canadiens soient résilients face aux risques environnementaux et climatiques, tout en créant une meilleure qualité de vie.

Les membres de l’Initiative canadienne de droit climatique (CCLI) ont participé au Forum sur la finance durable afin de sensibiliser aux changements politiques nécessaires, en particulier ce qui concerne la taxonomie financière verte et de transition et les divulgations obligatoires des entreprises, et de s’engager auprès des législateurs et décideurs politiques fédéraux.

Une collaboration croissante

Dre Janis Sarra et moi-même avons assisté au Forum avec Ed Ma, c.r., membre du comité consultatif expert CCLI. En plus de son rôle de vice-président du conseil juridique et secrétaire général chez Thinkific Labs, Ed continuera à travailler avec CCLI pour développer des recommandations politiques en dirigeant des réunions avec des représentants du gouvernement, des organismes de réglementation et des décideurs politiques. Il amène plus de dix ans d’expérience dans les secteurs de l’énergie et des politiques de changements climatiques. Il était auparavant conseiller stratégique principal pour la politique en matière d’énergie et de changements climatiques à Suncor. Il est conseiller auprès du Conseil consultatif sur le développement durable du ministre canadien de l’Environnement et du Changement Climatique et il a été directeur et président canadien de l’International Emissions Trading Association. En tant que conseiller stratégique axé sur les affaires, nous sommes ravis qu’Ed nous aide à formuler des recommandations politiques.

Nous avons tous les trois représentés officiellement CCLI au Forum et de nombreuses personnes de notre communauté d’experts en gouvernance climatique ont participé au Forum pour partager leur expertise et s’engager dans ce dialogue national. Cette large représentation nous a permis de recueillir les points de vue de plusieurs groupes de discussions. Voici quelques-unes des informations que j’ai retenues :

La finance durable et la finance social vont de pair

Le premier jour du Forum s’est concentré sur la finance durable et les changements politiques nécessaires pour financer la transition vers une économie à zéro émission nette, tandis que le deuxième jour du Forum s’est concentré sur la finance sociale et la nécessité de construire une économie plus inclusive. Même si ces deux sous-thèmes étaient séparés pendant le Forum, il est important de comprendre que les questions de durabilité et sociales sont interconnectées.

Les peuples autochtones, les personnes de couleur, les jeunes, les femmes et les autres communautés marginalisées sont touchés de manière disproportionnée par les effets des changements climatiques, mais ils n’ont souvent pas leur place aux tables de décisions. Ne pas les inclure est dangereux pour la survie de ces communautés et leur fermer la porte est un obstacle à la construction d’une économie durable, résiliente et inclusive. Nombre de ces communautés disposent d’une expertise unique qui peut contribuer à l’élaboration de politiques inclusives axées sur le climat.

Avec d’autres panélistes, le député Ryan Turnbull a souligné la nécessité de mettre en place des changements axés sur les systèmes et pilotés par les personnes, car le savoir-faire se trouve dans les communautés. Il a déclaré que nous construirons des communautés fortes si nous développons des politiques financières inclusives et informées des risques, alignées sur la transition climatique.

La spécificité plutôt que l’ambiguïté

Le mot « spécifique » a été évoqué à plusieurs reprises lors du Forum. Que ce soit pour les divulgations d’entreprise, la taxonomie, l’approvisionnement propre et social, il est essentiel de disposer d’informations spécifiques, de haute qualité, transparentes et comparables.

Les informations financières relatives au climat doivent être spécifiques afin d’aider les entreprises à évaluer leurs progrès d’une année sur l’autre, par rapport à leurs pairs et à elles-mêmes. Si la disponibilité, la fiabilité et la comparabilité des données peuvent constituer un défi pour les entreprises, les parties prenantes doivent travailler ensemble pour combler ces lacunes et réduire l’ambiguïté. Gildas Poissonnier, chef du développement durable du Mouvement Desjardins, a souligné que les données publiques ne sont souvent pas pertinentes pour les investisseurs institutionnels parce qu’elles sont hétérogènes, rétrospectives, insuffisantes et que beaucoup d’informations se concentrent sur le risque climatique physique et pas assez sur le risque de transition.

Les divulgations obligatoires aideraient également à attirer des capitaux pour les entreprises canadiennes, car les investisseurs sont de plus en plus à la recherche d’opportunités vertes et liées au climat. Le déficit d’investissement annuel pour atteindre nos engagements climatiques est estimé à 115 milliards de dollars. Nous devons renforcer l’infrastructure autour des informations sur le climat afin d’aider les investisseurs à accéder à des informations utiles à la prise de décision pour évaluer et gérer efficacement les risques liés au climat.

« Le reporting sera un proxy pour l’action. »
– Jonathan Fowlie, Directeur des relations externes, Vancity

La taxonomie financière verte et de transition est une politique manquante qui permettra de fournir aux investisseurs les informations dont ils ont besoin. La taxonomie est un système de classification qui aide les investisseurs à prendre des décisions d’investissement en classant les investissements « verts » et « en transition ». D’innombrables pays, dont le Chili, le Japon, l’Australie et l’Union européenne, ont élaboré des taxonomies. Ils l’ont fait indépendamment de la composition de leur économie.

Lors du Forum, Roger Beauchemin, président-directeur général d’Addenda Capital, a souligné que les investisseurs ont besoin de clarté et de signaux de prix pour débloquer des capitaux. Comme l’a dit Mark Carney, ancien gouverneur de la Banque du Canada, « la plomberie financière est vitale pour construire une économie durable ». Le gouvernement du Canada doit faire avancer les recommandations du Conseil d’action en matière de finance durable en faveur d’un Conseil de la taxonomie dès que possible afin d’accélérer l’investissement de capitaux dans des actifs et des projets durables.

La spécificité a également été évoquée dans le cadre de l’approvisionnement social et propre. Il existe une énorme opportunité pour les gouvernements et les entreprises à développer des politiques d’approvisionnement durables qui intègrent l’impact social et l’économie circulaire. Mais pour ce faire, les contrats doivent être spécifiques. L’approvisionnement devrait intégrer l’impact propre et social dans les contrats et prévoir des conséquences si ces objectifs ne sont pas atteints.

Un appel à l’action rapide

Alors que l’élaboration des politiques prend du temps, la fenêtre d’action se rétrécit. Les participants du Forums ont été clairs: nous avons besoins de politiques, de réglementations et d’orientations rapides et audacieuses qui soutiennent la finance durable et une économie à zéro émission nette.

Au cours du Forum sur la finance durable, de nombreux exemples de réussite au Canada et dans le monde entier ont été partagés sur la réconciliation avec les peuples autochtones, la divulgation obligatoire des informations liées au climat par les entreprises, l’investissement d’impact, le logement abordable et plus encore. Nous devons continuer à plaider en faveur de politiques de finance durable, à nous engagement auprès des communautés et à dépasser les politiques partisanes lorsqu’il s’agit d’enjeux tels que les changements climatiques.

« Lorsque vous réussissez dans le domaine de la prévention, personne ne vous félicitera. »
Harjit Saijan, Ministre de la Protection civile et ministre responsable de l’Agence de développement économique du Pacifique Canada

Certains diront peut-être que « nous n’avions pas besoin de ces politiques et actions de durabilité, » mais il est essentiel de prévenir les catastrophes liées au climat. Mettons en œuvre des politiques clés pour que l’économie canadienne soit résiliente face aux changements climatiques et inclusive pour tous les Canadiens et Canadiennes. Car, comme l’a dit la ministre Chrystia Freeland, « la politique climatique est une politique économique. »