25 juin 2024

De l’écoblanchiment à la confiance verte: comment le projet de loi C-59 renforce la réglementation et protège les Canadiens


Le 5 juin 2024, António Guterres, secrétaire général des Nations Unies, a pressé « chaque pays à interdire la publicité des entreprises de combustibles fossiles ». Il a également demandé aux médias et entreprises technologiques de cesser d’accepter l’argent de la publicité pour les combustibles fossiles. Dans un discours percutant, Guterres a reproché aux compagnies de combustibles fossiles de « déformer la vérité, de tromper le public et de semer le doute » au sujet de la science du climat ainsi que ne pas investir suffisamment dans des solutions d’énergie propre.  

Plus tôt cette année, Matthew Boswell, chef du Bureau de la concurrence, l’agence indépendante canadienne d’application de la loi qui réglemente et protège les Canadiens contre les pratiques commerciales trompeuses, a demandé aux régulateurs de renforcer les règles régissant l’écoblanchiment. M. Boswell et d’autres leaders canadiens, comme Sonia Furstenau, qui a proposé un projet de loi contre l’écoblanchiment en Colombie-Britannique, font pression en faveur d’une réglementation plus stricte de l’écoblanchiment afin de protéger les consommateurs canadiens et d’accroître la transparence et l’intégrité des affirmations des entreprises.

L’écoblanchiment est une pratique qui consiste à véhiculer des informations fausses, trompeuses ou non étayées sur les avantages environnementaux ou climatiques du produit, du service, de l’activité ou de l’image de marque d’une organisation. L’écoblanchiment se manifeste de différentes manières et promeut de fausses solutions et actions.

En novembre 2023, le gouvernement a introduit le projet de loi C-59, la loi visant à mettre en œuvre l’Énoncé économique de l’automne, qui comprend certaines considérations visant à améliorer les réglementations sur l’écoblanchiment par le biais de la Loi sur la concurrence. Bien que le projet de loi ait été accueilli par plusieurs, d’autres estiment qu’il est insuffisant pour lutter efficacement contre l’écoblanchiment et protéger les consommateurs au Canada. D’autres craignent que les changements proposés aient un impact négatif sur l’économie.

Pamela Wallin, sénatrice et présidente du Comité sénatorial permanent des banques, du commerce et de l’économie, a demandé au Bureau de la concurrence de répondre aux préoccupations de Pathways Alliance, le plus grand consortium de producteurs de combustibles fossiles du Canada, qui a un objectif de carboneutralité d’ici 2050. Pathways Alliance estime que les nouvelles dispositions relatives à l’écoblanchiment qui doivent être ajoutées à la Loi sur la concurrence empêcheraient les entreprises de faire des déclarations sur leurs performances ou leurs projets en matière d’environnement.

Le projet de loi C-59 a été adopté sans amendement le 19 juin 2024 et a reçu la sanction royale le 20 juin 2024. Pathways Alliance a ensuite publié un avis sur son site web, supprimant tout contenu de son site web, de ses médias sociaux et de ses communications publiques. Il a également déclaré que le consortium restait engagé dans son travail et dans la réduction des impacts environnementaux de la production de sables bitumineux.

Bien que les compagnies doivent faire preuve de prudence dans leurs déclarations pour éviter les risques d’écoblanchiment et les autres risques qui en découlent, elles ne doivent pas craindre ou refuser de divulguer publiquement des informations relatives au climat. Cette pratique est appelée greenhushing. Au contraire, les entreprises doivent s’engager dans de véritables actions en faveur du climat, éviter les déclarations passe-partout, obtenir une vérification par un tiers et faire preuve de transparence dans leurs communications.

En atténuant le risque d’écoblanchiment, les entreprises réduiront également les risques de réputation, de litige et de réglementation auxquels elles peuvent être confrontées à la suite d’allégations d’écoblanchiment. Les accusations d’écoblanchiment peuvent nuire à la réputation d’une entreprise et à la confiance de ses clients. Les consommateurs sont de plus en plus soucieux d’acheter des produits durables, ils sont attentifs et tiennent les entreprises responsables de leurs produits, services et déclarations en matière de développement durable. L’information circule rapidement grâce à l’internet et aux médias sociaux. Les compagnies doivent être conscientes que le moindre soupçon d’écoblanchiment peut avoir un impact négatif sur leur image de marque, leur crédibilité, la confiance du grand public et la loyauté des consommateurs.

Les entreprises canadiennes sous la loupe

Les entreprises qui se livrent à des pratiques d’écoblanchiment peuvent faire l’objet de sanctions et de litiges pour non-respect de la loi et allégations trompeuses ou fausses. À l’heure actuelle, plusieurs entreprises canadiennes de divers secteurs font l’objet d’un examen minutieux pour écoblanchiment.

Stand.earth a déposé une plainte contre Lululemon pour avoir trompé ses clients sur son impact environnemental. La campagne « Be Planet » présente les actions et les produits de l’entreprise comme contribuant à un environnement et une planète plus sains, alors que ses rapports sur les émissions de gaz à effet de serre montrent une augmentation de 83 % entre 2019 et 2021. L’enquête n’est pas encore ouverte car le Bureau de la concurrence doit examiner l’affaire de manière confidentielle.

En 2022, Ecojustice a déposé une plainte contre la Banque Royale du Canada, affirmant que son financement de l’industrie des combustibles fossiles éclipse les déclarations de la banque concernant le climat et son objectif de parvenir à la carboneutralité d’ici 2050. Le Bureau de la concurrence poursuit son enquête.

L’Association canadienne des médecins pour l’environnement a également déposé une plainte en 2022 contre l’Association canadienne du gaz. L’association allègue que les affirmations de la campagne « Fuelling Canada » sont fausses et trompeuses. Elle affirme que le fait de qualifier le gaz naturel de durable, propre, économique et bon pour la planète et la santé humaine est trompeur. La plainte fait toujours l’objet d’une enquête par le Bureau de la concurrence en date de juillet 2024.

D’autres allégations et plaintes d’écoblanchiment contre des entreprises canadiennes font l’objet d’une enquête et nous pouvons nous attendre à d’autres cas d’écoblanchiment à l’avenir si les réglementations visant à empêcher l’écoblanchiment ne sont pas renforcées.

Il existe des précédents de litiges liés au climat dans lesquels des entreprises ont été tenues responsables de leurs pratiques d’écoblanchiment. Au Canada, Keurig a payé une amende de 3 millions de dollars et fait un don de 800 000 dollars à une organisation caritative canadienne axée sur les causes environnementales pour ses affirmations fausses et trompeuses concernant la recyclabilité de ses dosettes de café à usage unique. Keurig a supprimé toutes les allégations de recyclabilité sur son site web, ses médias sociaux et ses emballages, a versé 85 000 dollars supplémentaires pour couvrir les frais de l’enquête du Bureau, a publié des avis correctifs et a amélioré son programme de conformité d’entreprise afin de promouvoir le respect de la loi et d’empêcher les pratiques commerciales trompeuses.

En 2023, DWS, une société de gestion d’actifs filiale de la Deutsche Bank, a payé 25 millions de dollars américains pour des violations de la législation anti-blanchiment et des déclarations erronées sur les investissements environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). La Securities Exchange Commission des États-Unis a constaté qu’entre août 2018 et fin 2021, DWS « n’a pas mis en œuvre de manière adéquate certaines dispositions de sa politique mondiale d’intégration ESG, comme elle l’avait laissé croire à ses clients et investisseurs. »

Alors que les compagnies naviguent dans le paysage changeant des rapports et des réglementations liés au développement durable et au climat, et qu’elles progressent dans la réduction de leur impact sur le climat et de leurs émissions de gaz à effet de serre, il est essentiel que les conseils d’administration et la haute direction comprennent et atténuent les risques d’écoblanchiment et de greenhushing. Comme l’ont montré des affaires récentes, le coût des déclarations environnementales trompeuses peut être élevé, mais grâce à des mesures proactives, les entreprises peuvent instaurer la confiance et agir véritablement en faveur du climat.

L’Initiative canadienne de droit climatique offre des sessions éducatives gratuites qui peuvent aider les conseils d’administration à naviguer les problèmes liés à l’écoblanchiment et comprendre leurs obligations légales en matière de climat de même que les meilleures pratiques pour mettre en œuvre une gouvernance climatique efficace. Contactez-nous pour organiser un appel et discuter de la manière dont nous pouvons aider votre entreprise.