9 janvier 2024

Laisser derrière les mauvaises habitudes, adopter l’action climatique


2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée sur Terre et au Canada. Certains experts estiment que 2024 pourrait battre les records de températures extrêmes établis en 2023. Nous continuons à battre des records. Pas les bons.

La nouvelle année est l’occasion de réfléchir à l’année écoulée et de regarder vers l’avenir. En janvier, plusieurs prennent des résolutions pour démarrer l’année en force. Les gyms sont plein, les paniers d’épicerie sont remplis de légumes et certains font le « dry January ». Tout y passe. Nous prenons souvent des résolutions que nous ne pouvons pas tenir comme par exemple en fixant des objectifs climatiques sans plan sur comment nous allons atteindre les dits objectifs. Alors pour 2024, essayons une approche différente—ce que nous amenons avec nous et ce que nous laissons derrière nous—afin d’arrêter de briser de mauvais records.

En 2024, nous laissons derrière nous:

Des paroles en l’air, mais pas de gestes concrets. Dans son dernier rapport sur les écarts d’émissions, le Programme des Nations Unies pour l’Environnement a révélé que l’écart de mise en œuvre entre les politiques climatiques actuelles du Canada et ses engagements en matière de contributions déterminées au niveau national, par rapport aux émissions de 2015, est de 27%. Il s’agit de l’écart le plus important parmi les pays du G20. Bien que le gouvernement fédéral ait publié son Plan de réduction des émissions pour 2030 et sa Stratégie nationale d’adaptation, ils ne sont pas mis en œuvre assez rapidement. Or, la rapidité est le maître de mot dans la course à la carboneutralité. Il est encore temps d’atteindre les objectifs de réduction des émissions pour 2030. L’Institut climatique du Canada présente cinq stratégies pour y parvenir pour le gouvernement fédéral.

L’indice de référence net zéro d’Engagement Climatique Canada, qui englobe les principaux émetteurs et/ou sociétés émettrices déclarants ou estimés du Canada, a récemment révélé que seulement 41% des entreprises de la liste Focus indiquent que « la rémunération de leur PDG et/ou d’au moins un autre cadre supérieur intègre spécifiquement la performance en matière de changement climatique en tant qu’indicateur clé de performance (ICP) ». En outre, 44% des entreprises ont fixé des objectifs de réduction nette à zéro, mais ne disposent pas d’objectifs à court terme alignés sur le seuil de 1,5°C. Ces éléments suggèrent que les entreprises doivent redoubler d’efforts pour démontrer la crédibilité de leurs ambitions et de leurs objectifs en matière de climat. Les gouvernements et les entreprises peuvent et doivent non seulement parler, mais parler moins et agir plus.

Écoblanchiment, greenhushing et greenwishing. Les entreprises peuvent se livrer à des pratiques d’écoblanchiment (greenwashing), de greenhushing ou de greenwishing. L’écoblanchiment consiste pour les entreprises à donner l’impression d’être plus soucieuses de l’environnement et de la société qu’elles ne le sont en réalité. Le greenhushing est lorsque les entreprises minimisent ou dissimulent délibérément leurs actions et initiatives liées au climat afin de se protéger. Enfin, le greenwishing est lorsque les entreprises ont des désirs et des intentions en matière de développement durable, mais qu’elles n’y donnent pas suite et ne prennent pas de mesures tangibles. Bien que ces incohérences puissent ne pas être intentionnelles, l’écoblanchiment, le greenhushing et le greenwishing représentent des risques juridiques et de réputation pour les entreprises. Les entreprises devraient s’efforcer de divulguer de manière transparente et précise leurs actions et initiatives liées au climat.

Une approche uniquement axée sur la conformité en matière de divulgation d’informations sur le climat et les facteurs ESG. Les entreprises devraient aller au-delà de la stricte approche de conformité lorsqu’il s’agit de divulguer des informations sur le climat et les facteurs ESG. Il s’agit d’un choix stratégique qui leur permet de se positionner en vue d’une réussite et d’une résilience à long terme. La divulgation des risques et des opportunités liés au climat peut renforcer la confiance des parties prenantes grâce à un engagement de transparence, attirer et répondre aux attentes croissantes des investisseurs, anticiper, atténuer et s’adapter aux risques futurs, donner un avantage concurrentiel, stimuler l’innovation et attirer les talents. En évaluant et en divulguant les risques liés au climat, les entreprises aident à déterminer comment atténuer les risques auxquels elles peuvent être confrontées et à s’y adapter, et révèlent le côté de la médaille comportant les opportunités. La gestion réactive des risques et des opportunités liés au climat est une approche périlleuse face à la multiplication des évènements climatiques. Les entreprises doivent intégrer les facteurs liés au climat dans tous les départements et aller au-delà de la stricte approche de conformité en matière de divulgation d’informations sur le climat et les facteurs ESG.

En 2024, nous amenons avec nous:

Une réglementation et une législation proactives en matière de climat pour les entreprises. L’année dernière, le gouvernement fédéral a approuvé la feuille de route de la taxonomie de la finance verte et de transition et s’est engagé à financer et à achever la nouvelle taxonomie dans l’énoncé économique de l’automne. Il s’est également engagé à rendre obligatoire la divulgation d’informations financières liées au climat pour les grandes entreprises canadiennes. Il s’agit là d’un grand pas en avant pour la finance durable et la durabilité des entreprises. Au Québec, l’Autorité des marchés financiers a également publié son projet de ligne directrice sur la gestion des risques liés aux changements climatiques, fortement inspiré de la ligne directrice B-15 du Bureau du surintendant des institutions financières. Il s’agit d’une première au niveau provincial, qui témoigne du leadership du Québec en matière de finance durable.

Le Canada ne doit pas perdre cet élan s’il veut rester compétitif. D’importantes juridictions telles que le Royaume-Uni, l’Union européenne, l’Australie et Singapour ont publié leurs taxonomies vertes et de transition en 2023 et nombre de ces mêmes juridictions ont rendu obligatoire la divulgation d’informations liées au climat pour les entreprises, conformément à l’International Sustainability Standards Board et à la Global Reporting Initiative.

Une plus grande collaboration. Nous avons tout à gagner d’une plus grande collaboration. Nous avons tout à perdre de la division et du travail en silos. Bien que nous soyons parfois coincés dans un débat linguistique, qu’il s’agisse du débat politisé autour de l’ESG ou de la cause des changements climatiques, la réalité est que le climat changeant nous affecte déjà. Une plus grande collaboration entre les scientifiques, les décideurs politiques, les organismes de réglementation, les entreprises, la société civile et les autres parties prenantes peut accélérer la transition vers une économie à zéro émission nette en augmentant les capacités, en diminuant notre exposition aux risques, en partageant le coût de l’innovation, en augmentant nos chances de trouver des solutions et en nous aidant à nous adapter plus rapidement. Même si la collaboration n’est pas forcément l’état par défaut dans certains contextes, notamment dans le monde des affaires, nous avons tous un intérêt collectif à réduire notre impact sur la planète. Adoptons la collaboration précompétitive pour résoudre le problème.

Plus d’éducation. Enfin, il ne s’agirait pas d’un billet de l’Initiative canadienne de droit climatique sans mentionner l’importance de l’éducation. L’éducation est un facteur clé pour favoriser la résilience des entreprises face à un monde qui se réchauffe, pour élaborer des politiques climatiques efficaces et pour mieux comprendre comment vivre de manière plus durable.

Je suis presque arrivée à la fin du livre d’Ed Yong, An Immense World, qui révèle comment les animaux perçoivent le monde en utilisant leurs propres capacités sensorielles. Au début du livre, il explique le concept d’umwelt, un concept défini et popularisé par le zoologiste Jakob von Uexküll en 1909. L’umwelt est défini comme « spécifiquement la partie de cet environnement qu’un animal peut sentir et expérimenter – son monde perceptif ». Yong souligne que notre umwelt est limité. « Pour nous, l’umwelt semble englober tout ce que nous connaissons. C’est tout ce que nous connaissons, et nous le confondons donc facilement avec tout ce qu’il y a à connaître ». Nous avons tous besoin de voir à travers les yeux des autres et d’écouter pour mieux comprendre tout ce que nous ne savons pas. Alors, en 2024, amenons plus d’éducation pour mieux nous comprendre les uns les autres et, en fin de compte, construire un monde plus durable.